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EPITRE

��Monsieur*,

Je vous présente une pièce de théâtre d'un style si éloigné de ma dernière qu'on aura de la peine à croire qu'elles soient parties de la même main, dans le même lii^^er. Aussi les rai- sons qui m'ont obligé à y travailler ont été bien différentes. J'ai fait Pompée pour satisfaire à ceux qui ne trouvaient pas les vers de Polyeiœte si puissants que ceux de Clnna, et leur montrer que j'en saurais bien retrouver la pompe, quand le sujet le pourrait souffrir ; j'ai fait /e? Me^iiewr pour conlenter les souhaits de beaucoup d'autres qui, suivant l'humeur des Français, aiment le changement, et, après tant de poèmes graves dont nos meilleures plumes ont enrichi la scène, m'ont demandé quelque chose de plus enjoué qui ne servît qu'à les divertir. Dans le premier, j'ai voulu faire un essai de ce que pouvait la majesté du raisonnement et la force des vers, dénués de l'agrément du sujet; dans celui-ci, j'ai voulu ten- ter ce que pourrait l'agrément du sujet, dénué de la force des vers. Et d'ailleurs, étant obligé au genre comique de ma pre- mière réputation, je ne pouvais l'abandonner tout à fait sans quelque espèce d'ingratitude. 11 est vrai que , comme alors je me hasardai à le quitter, je n'osai me fier à mes seules forces, et que, pour m'élever à la dignité du tragique, je pris l'appui du grand Sénèque, à qui j'empruntai tout ce qu'il avait donné de rare à sa Médée : ainsi, quand je me suis résolu de passer du héroïque au naïf, je n'ai osé descendre de si haut sans m'assurer d'un guide et me suis laissé conduire -au fameux Lope de Vega^, de peur de m'égarer dans les détours de tant d'intrigues que fait notre Menteur. En un mot, ce n'est ici qu'une copie d'un excellent original qu'il a mis au jour sous le nom de la Verdad sospechosa; et me fiant sur notre Horace, qui donne liberté de tout oser aux poètes ainsi qu'aux pein- tres, j'ai cru que, nonobstant la guerre des deux couronnes, il m'était permis de trafiquer en Espagne. Si cette sorte de

1. Cette épitre ne se trouve que dans les éditions antérieures à 1660.

S. On verra cette erreur rectifiée par Corneille lui-même dans son Examen,

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