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36 LE MENTEUR

palpables, pour ainsi dire : nous assistons au duel des deux gentilshommes de Tolède. Dès le début, l'esprit différent des théâtres se révèle.

ACTE II. — Quoi qu'il fasse, le Menteur revient à ses an- ciens mensonges; mais le motif qui les inspire est, cette fois, généreux, et nous avons peine à retrouver le frivole Dorante d'autrefois en ce prisonnier volontaire, victime de sa propre grandeur d'âme, qui se refuse à reconnaître en Cléandre le véritable meurtrier, aimant mieux paraître coupable d'un crime que d'une indélicatesse. Cliton s'en étonne et s'écrie :

Vous mentirez toujours, monsieur, sur ma parole... Menteur vous voulez vivre et menteur vous mourrez.

Mais les reproches de Cliton sont ici beaucoup moins à leur place que dans le Menteur. Nous né saurions nous y associer, car de tels mensonges sont des titres à notre estime. Il le faut avouer, en s'obstinant à joindre, par une soudure assez gauche, deux pièces aussi absolument distinctes que celles d'Alarcon et de Lope de Vega, Corneille se créait à lui même d'inextri- cables embarras; car, au point de vue logique, dramatique même, la Suite du Menteur continue mal le Menteur : quoi de commun entre l'habitude vicieuse de mentir pour mentir, et la noble dissimulation dont chacun de nous serait fier d'être accusé? Il y a plus : à ne considérer que la nouvelle pièce, indépendamment de celle qui la précède, le caractère de Do- rante ne semble guère mieux suivi : ce héros de l'honneur n'a- t-il pas commencé par abandonner, par voler Lucrèce, dont la dot l'a défrayé pendant son voyage d'Italie? Lope de Vega s'est épargné ces contradictions en n'envisageant que le côté généreux du mensonge par lequel son héros , don Juan de Aguilar, sauve la vie au vrai meurtrier, don Fernand. L'intrigue amoureuse qu'il imagine est la même d'ailleurs que chez Cor- neille : sa Leonarda est bien proche parente de Mélisse, sœur de Cléandre. Mélisse est d'abord libérale envers Dorante par reconnaissance et par pitié; peu à peu un sentiment plus tendre se fait jour dans son âme. Comment ne pas la comprendre f Son unique adorateur, Philiste, est si respectueux et si froid ! Puis, Lyse, que Cliton cajole à sa manière, assez peu délicate, — comme Limon, le valet de don Juan, cajole la soubrette espagnole, — fait à sa maltresse un portrait si séduisant de Dorante !

Il est ricbe, et, de plus, il demeure à Paris, Où des dûmes, dit-on, est le vrai paradis;

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