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M LE MENTEUR

Philiste avec Alcippe y vient vous accorder ; Votre feu père même est joué sous le masque.

— Cette pièce doit être et plaisante et i|autasque. Mais sou uom? — Votre nom de guerre, le Menteur.

— Les vers en sont-ils bous? fait-on cas de l'auteur?

— La pièce a réussi, quoique faible de style,

Et d'un nouveau proverbe elle enrichit la ville;

De sorte qu'aujourd'hui presque en tous les quartiers

Ou dit, quand quelqu'un ment, qu'il revient de Poitiers.

Et pour moi, c'est bien pis, je n'ose plus paraître.

Ce maraud de farceur m'a fait si bien connaître

Que les petits enfauts, sitôt qu'on m'aperçoit,

Me courent dans la rue et me montrent au doigt;

Et chacun rit de voir les courtauds de boutique,

Grossissant à l'envi leur chienne de musique,

Se rompre le gosier, dans cette belle humeur,

A crier après moi : « Le valet du menteur! i »

On aura remarqué l'étrange critique que Corneille fait de sa propre pièce. C'est par le style surtout que le Menteur nous parait un chef-d'œuvre ; c'est par le style qu'il pèche, aux yeux de son auteur. Faut-il suspecter la sincérité de cet aveu? Mais Corneille le reproduit dans XExamen placé en tête de la Suite du Menteur, mieux écrite, à l'en croire, que la comé- die qu'elle continue. On ne saurait admettre sans réserve un tel parallèle. D'autre part, si le poète, avec un na'if orgueil, reconnaît que cette pièce « faible de style » a réussi pourtant, il exagère vraiment la modestie quand il attribue la meil- leure part de son succès au talent des acteurs qui ont inter- prété sa pièc% quand il fait de l'un d'entre eux, Jodelet, un éloge capable de décourager à jamais les Clitons modernes. Il paraît bien que le rôle de Clilon, tenu par Jodelet, fut un des grands attraits de ce spectacle, si digne d'ailleurs de plaire par d'autres côtés aux délicats. Pour faire rire, Jodelet n'avait qu'à paraître ; tout en lui divertissait la foule :

Le ton de voix est rare aussi bien que le ne».

Est-ce ce même Jodelet qui, comme l'a conjecturé M. Marty- Laveaux, aurait décidé Corneille à prolonger un succès fruc- ueux en faisant remonter Cliton sur la scène où il était si bien accueilli ? 11 n'est pas besoin de le conjecturer : Corneille, pressé d'argent, à l'heure où d'interminables romans trou vaient en France d'infatigables lecteurs, put songer de lui- même à introduire en France cette mode des « suites, » qui, comme sa pièce nouvelle, lui venait d'Espagne.

1. Ibid., l, I.

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