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6 POMPÉE

humains et généreux sont attribués au vainqueur; on lui prête même, dansJa première, ce mot plus généreux encore : « La plus grande et douce jouissance de ma victoire, c'est de sauver chaque jour quelqu'un des citoj'ens qui ont fait la guerre contre moi *. « C'est sans doute un souvenir de la pensée que Velleius Patercuius prête à César sur le champ de bataille même de Pharsale : « Ut primum Cœsar inclinatam vidil Pompeianorwn aciem, neque prius neqiie antiqidus quic qitam habitit quam ut omnes partes [ut militari et verbo et coa suetudine utar) dimitteret ^. Dion Cassius aussi glorifie la clé- mence de César envers les partisans de Pompée^. Mais nulle part, enfin, Plutarque, Velleius, Dion et Florus ne disent expres- sément que le meurtre de Pompée ait été la cause détermi- nante du supplice des deux ministres égyptiens, puisqu'ils mentionnent aussitôt la guerre dont tous deux ont été les auteurs. Florus assure même que Photin survécut à sa défaite, et mourut plus tard errant et misérable.

Uu'a fait Corneille ? Préoccupé avant tout de ce qui peut grandir le caractère de ses héros, et s'emparant des traits épars dans les historiens, il a réuni deux choses très distinctes, la mort de Pompée et la guerre d'Alexandrie. Désormais, César ne se venge plus lui-même, il venge Pompée. Avant que le complot soit découvert, Achillas et Photin sont con- damnés : Cléopâtre, qui peut tout sur César, ne réussit pas à lui arracher leur grâce. L'exactitude historique en souffre peut-être un peu ; mais à coup sûr la grande figure de César en reçoit un nouvel éclat.

Que dire maintenant de Cornélie? Ici, tout était à créer, car, si nous en croyons Plutarque et Appien, Cornélie assista de loin, désespérée et impuissante, au meurtre de son mari ; ses cris, ses protestations, ses vains appels aux dieux ne le sauvèrent pas ; en son malheur elle fut heureuse encore de

��\. Vie de César, ch. 48.

5. Histoire romaine, ch. 52.

3. Livre XLI, ohap. 62-63. Le récit de Dicfn au livre suivant diffère un peu de ceux que nous analysons. II suppose que Cléopâtre était en guerre ouverte contre son frère, que Pompée envoya des ambassadeurs à Ptoloraée pour faire appel à sa reconnaissance, et que Ptolomée lui envoie à son tour Achillas, chef de la milice, et le romriia Septimius, chef de la garde romaine que Gabinius a laissée autour du roi d'Egypte. Ces traîtres lui prodiguent les témoignages d'affection et allèguent les mêmes motifs pour le décider à descendre dans leur navire :

Mais s'ils le tuent avant d'aborder, ce n'est pas que le roi leur en ait donne l'ordre, c'est, au contraire, qu'ils craignent de voir Pompée sauvé par le roi. Au reste, Dion prête à la victime la même attitude noble et silencieuse : sani laisser échapper une plainte, Pompée se voUe la tête.

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