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32 LE MENTEUR

détails piUoresques cl les péripélies dramatiques. On est un peu inquiet, mais au fond charmé, d'en suivre le vol capri- cieux. « Ce n'est pas précisément pour tromper que Dorante ment, c'est pour s'amuser; aucune vue d'intérêt, aucun motif odieux ne souille ses mensonges ; c'est un travers de l'esprit plutôt qu'un vice du cœur; l'étourderie, l'amour-propre, la galanterie, la fougue d'une imagination folle l'entraînent con- tinuellement dans ces narrations romanesques qui sont au- tant de tours d'esprit, dont il est très vain. Le Menteur de Corneille n'est donc point un escroc, un fourbe odieux: c'est un jeune homme aimable, mais extravagant, qui met sa gloire et son plaisir à forger des histoires ^» Sachons recon- naître cette innocence relative de Dorante : son grand crime, et aussi sa grande excuse, c'est qu'il est jeune :

On ne peut être vieux à l'âge de vingt ans,

Et le fruit, pour mûrir, doit mi'irir en son temps*.

Dorante est un enfant terrible qu'il faut absoudre pour avoir menti sans discernement. Une inquiétude persiste toutefois, il faut bien le dire, et nous gène dans notre parti pris d'indul- gence, car la comédie finit mal, ou plutôt ne finit pas : Do- rante, menteur jusqu'au bout, sera-t-il guéri par le mariage? Lucrèce, dont il accepte la main, faute de mieux, aura-t-elle assez d'empire sur lui pour empêcher le travers séduisant de se changer chez lui en vice honteux, et le mensonge de passer des paroles aux actes? On ne sait, et c'est déjà trop qu'on en doute. Corneille semble avoir compris que sa comé- die ne renv03-ait personne pleinement satisfait; il a donc voulu la compléter, et autant peut-être pour nous rassurer sur l'avenir de Dorante que pour exploiter un succès lucratif, il a écrit la Suite du Menteur.

��IV

LÀ SUITE DU MENTEUR.

Si l'on s'en rapportait au titre et aux apparences, la Suite du Menteur, représentée vers la fin de 1643. serait la continuation logique de la pièce qu'elle suppose et dentelle renouvelle en vingt endroits les souvenirs encore présents. Corneille prend

1, GeofTroy, Cours de littérature dramatique, l" niessiilor an X.

2. Rotrou, Cléagénor et Baristéc. Acte IV, se. ni.

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