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26 LE MENTEUR

avouer que c'est pour la forme, pour scfrtir d'embarras. Elle ne songe plus à les invoquer quand elle se trouve seule avec Lucrèce, son amie, figure assez pâle, mais agréable, qui tra- verse, silencieuse, le premier acte, n'apparaît pas au second, se laisse à peine entrevoir au troisième, mais peu à peu s'a- nime, et. prise à ses propres ruses, aime vraiment celui qu'elle aimait par feinte. Plus moqueuse et plus vive, ayant par-des- sus tout l'horreur d'un célibat prolongé, Clarice cherche dans ces intrigues l'amusement de sa coquetterie plutôt que la sa- tisfaction d'un sentiment peu profond. Elle a déjà quelque expérience, et raisonne plus qu'elle ne s'émeut : c'est tout un système, froidement conçu, froidement exécuté bientôt, qu'elle expose à Isabelle*, suivante de bon ton, sans relief, comme il convient à une confidente, dont le rôle est de s'effa- cer discrètement, pour laisser parler et agir les autres.

Si l'on voulait être tout à fait juste pour ce caractère à peitje ébauché d'Isabelle, il ne faudrait pas oublier qu'il était une forme nouvelle et fort adoucie du caractère ancien de la nourrice, conseillère équivoque dont Mélile nous offre le type souvent odieux-. Pourijuoi cependant, à côté d'Isabelle, le caractère de Sabine, suivante de Lucrèce, semble-t-il marqué de traits plus nets et plus hardis? C'est que Sabine est, comme rindiqu.> Laniriiila lui-même, une simple femme de chambre, une devancière de ces soubrettes dont Molière fera bientôt éclater sur la scène le rire étincelant, sachant, comme elles, à merveille, son « métier », ne dédaignant pas l'argent plus qu'elles, mais spirituelle et avenante, digne, en un mot, mal- gré l'insignifiance de son rôle, qu'on lui applique le charmant portrait que le bohème Clindor trace de Lyse :

L'esprit beau, prompt, accort, l'humeur un peu railleuse. L'embonpoint ravissant, la taille avantageuse. Les yeux doux, le teint vif et les traits délicats, Qui serait le brutal qui ne t'aimerait pas s ?

A la soubrette s'oppose naturellement le valet, à Sabine Cli- ton, dont le rôle d'ailleurs est autrement utile, sinon néces- saire à l'action. Corneille avait déjà mis au théâtre quelques caractères de valets, mais aucun qui fût si plaisant : le Lysarque de Clitandre^ écuyer de Rosidor, dévoué à son maître, dont il est le confident, presque l'ami, est un personnage à peu

��1. Acte II, se. II.

2. C'est dans la Galerie du Palais d'abord , puis dans la Suivante que notti ▼oyons cette transformation s'opérer,

3. Illusion comique.

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