INTRODUCTION 5
lequel Salvius et Achillas dégainerenl aussi leurs espees, et adonc Pompeius tira sa robbe à deux mains au devant de sa face, sans dire ne faire aucune chose indigne de luy, et endura vertueusement les coups qu'ils lui donnèrent, en sou- pirant un peu seulement, estant aagé de cinquante-neuf ans, et ayant achevé sa vie le jour ensuyvant celuy de sa nati- vité *. »
On nous pardonnera la longueur de ces citations, qui nous dispenseront d'accumuler dans les notes les rapprochements de détail. Le récit d'Appien diffère peu de celui de Plularque : on y retrouve jusqu'aux vers de Sophocle prononcés par Pom- pée, jusqu'au prétexte spécieux tiré des bas-fonds qui ren- daient l'accès du port difficile : ùç tjjs" ôaXâaa-yji; cvayjç dXiTSvovçy Kal fMyàXxK; vavffiv cw èuxspcut;. On pourrait poursuivre jus- qu'au bout le parallèle entre la narration de Corneille et celle de Plutarque : chez l'un comme chez l'autre, les meurtriers tranchent la tête du héros, et jettent à la mer son corps mutilé, que recueille et ensevelit l'affranchi Philippus, assisté d'un ancien soldat de Pompée; puis l'urne précieuse qui con- tient ses cendres est apportée à Cornélie, et déposée par elle, selon Plutarque, dans sa maison d'Albe. Mais deux points surtout méritent d'attirer notre attention, car on y saisit sur le vif, pour ainsi dire, la méthode d'imitation originale qui est propre à Corneille.
Dans ses Commentaires, César ne nous dit point que la nou- velle du meurtre de Pompée lui ait causé quelque indignation : s'il punit Achillas et Polhin, c'est qu'ils avaient tramé contre lui un complot, point de départ dp. la guerre d'Alexandrie *. Cette guerre, où César vainqueur faillit périr, qui se termina par la disparition de Ptolémée Dionysos dans un combat près du Nil, et le triomphe de sa sœur Cléopâtre, Plutarque et les autres historiens nous la racontent; mais Appien est le seul qui établisse une relation directe entre le meurtre de Pompée et le châtiment de ses meurtriers. Il est vrai qu'il n'est pas le seul à témoigner de l'horreur manifestée par César en face du sanglant présent qu'on lui fait : « Tijv ié xecpaX^v tov Tlofi~yjiou T^pocr^spofxévijv où% v~éaTv^ ^. » Plutarque, lui aussi, nous montre César se détournant pour ne point voir la tête de son rival, et ne pouvant retenir ses larmes. Dans la Vie de César comme dans la Vie de Pompée, les mêmes sentiments
1. Plutarque, Vie de Pompée, 79. Dans son Itinéraire, V], Chateaubriand di que ce récit est « le plus beau morceau de Plutarque et d'Ainyot, son traduc- teur ».
2. De Bello civili, ch. 106 à 112.
3. Appien. Guer-es civiles, II, 84.
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