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20 LE MENTEUR

d'Alarcon) que le comique du dialogue et le détail plaisant des caractères.))

_ Sur cette faiblesse de l'intrigue il faut passer condamna- tion : l'entrain même du style ne réussit pas à faire oublier l'insuffisance du fond. En apparence, rien de plus simple que l'action du Menteur, si l'on en juge du moins par la sim- plicité de la mise en scène : « Le tiiéàtre est un jardin pour le premier acte, et pour le second acte il faut des maisons et bâtiments et deux fenêtres. Au premier acte, un billet. Au deuxième acte, deux billets. Au quatrième acte, des jetons*. » En réalité, le développement de cette action est plus compliqué qu'il ne semble, et ne va pas sans quelque obscurité, sans quelque gaucherie même ; comme on le dit aujourd'hui, dans la langue du théâtre, elle est pleine de « trous ». Non pas que nous en condamnions le point de départ avec la même sévérité que d'autres; elle n'est fondée que sur un faux pas, sans doute, et ce faux pas aurait fort bien pu ne pas se pro- duire, mais, dans la vie réelle, dont la comédie est l'image, combien d'incidents fortuits, de causes insignifiantes produi- sent des effets importants et durables! Ce faux pas, d'ailleurs, est aussi le principe de la comédie espagnole. Ce qui n'est pas dans l'espagnol, c'est un je ne sais quoi de dpcousu et de heurté. Ainsi, au début du second acte, brusquement, Géronte, que nous ne connaissons pas encore, propose à Clarice ur» juariage dont on ne voit pas les raisons. Clarice est libre mais par quel hasard? Alcippe, son fiancé, attend pour l'épouser l'arrivée de son père, et, — depuis deux ans ! — le v-eillard se laisse attendre. Comme il est naturel, elle demande à connaître le nouveau fiancé qu'on lui propose : on lui ménage donc un moyen de le connaître, ou plutôt de le reconnaître, et l'on ne fait même pas assister le spectateur à cette reconnaissance, et, pour qu'il sache qu'elle a eu lieu, il faut que Clarice le lui apprenne ! Ailleurs, ce sont des épisodes qui sont gauchement introduits : le récit du duel, par exemple, n'est amené que par une question de Cliton, inquiété, dit-il, par un « bruit sourd », par « un confus murmure. » -Sans faire tort à Corneille, il est donc permis de signaler, çà et là, quelque maladresse dans la conduite de l'intrigue et dans la liaison des scènes.

U y a plus : on a pu soutenir, non sans raison, que cette charmante comédie du ilfen/enr n'était pas soutenue et animée par un intérêt suffisamment dramatique. Le plaisir que nous éprouvons à l'entendre ou à la voir est un plaisir de dilet-

1. Despois, le Théâtre sous Louis XIV.

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