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INTRODUCTION H

qu'on fail, et que je ferais plus d'éUt du fils d'un crocheleur qui serait honnête homme que du fils d'uu monanjue qui vivrait comme vous. »

M. Legouvé, qui compare les deux scènes, tire de leur caractère diilërent ladillerence qui sépare la diction poétique de l'autre diction ^ : « Les vers de Corneille, écrit-il, sont autant de traits frappés comme autant de médailles, enchâs- sés dans la rime comme dans une monture... Corneille et Molière font parler les mêmes sentiments, écrivent la même scène ; mais, chez l'un, chaque pensée doit être sculptée par le lecteur comme des armes sur un écusson ; chez l'autre, tout doit être entraîné, emporté dans ce grand courant d'élo- quence qui coule à pleins bords. » N'oublions pas cependant que la vigoureuse invective de don Louis, venue de Juvénal et d'Alarcon jusqu'à Molière et à Boileau, en passant par Cor- neille, est suivie d'un mot qui caractérise à merveille la dillé- rence des situations et des caractères.

DON JUAN.

« Monsieur, si vous étiez assis, vous en seriez mieux pour parler. »

Si peu respectueux qu'il se monire parfois envers son père, Dorante n'a pas celte ironique impassibilité. 11 est plus ému et moms coupable ; aussi son châtiment scra-t-il beaucoup moins sévère.

Au xvin'= siècle, la popularité du Menteur ne semble pas s'être alTaiblie : Collé le refond, et, par un étrange caprice, écrit en vers libres ce que Corneille avait écrit en alexandrins souples et foris -. Destouches composa l'Archi-Mcnteur, et Colin d'Haiieville Monsieur de Crac; mais la pièce de Destouches, que donnent peu de recueils, ne compte pas parmi les meil- leures de son théâtre ; celle de Colin d'Harleville est une plai- santerie facile et superficielle; son menteur ne ment que par vanité ; c'est im Gascon dont les gasconnades démes\irées sont médiocrement plaisantes.

Une postérité plus directe du Menteur, si l'on en croyait Voltaire, ce serait II Bugiardo {le Hâbleur), de Goldoni, comé- die en trois actes, en prose, représentée en 1750 sur le théâtre de Mantoue. Dans sa préface, il est vrai, Goldoni reconnaît qu'en plusieurs endroits de sa pièce il s'est souvenu de Cor- neille : c'est ainsi qu'il lui a emprunté les récits du faux ma-

��1. Nouvelle étude sur l'art de la lecture ; cette étude est surtout un dialogue imngiiié entie M. Legouvé et M. Beisot, ce sage dont la perte a laissé un si vif regret au cœur de tous ceux qui l'ont connu.

3. La pièce de Collé est de 1770,et a été éditée chez Quoffîer, cinq actes, in-S°.

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