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INTRODUCTION 9

aux amants de la comédie d'être jaloux, et à la jalousie de parler le langage qui lui est propre. On peut dire qu'il a créé aussi la scène ni de l'acte V, bien qu'Alarcon eût eu avant lui l'idée d'une réprimande, ou plutôt des deux ou trois répri- mandes successives intligées par don Beltran à son fils Garcia. Les multiplier, n'était-ce pas d'avance en aiTaiblir l'effet? Corneille n'en a voulu qu'une, et l'a réservée pour son cin- quième acte, non pas seulement, comme le prétend M. Vi- guier', parce qu'il y cherchait un renfort pour son faible dénouement, mais parce que son sûr instinct des choses du théâtre lui faisait voir une faute là où M. Viguier voit une in- spiration de génie. Eh quoi ! c'est dès le début que le courroux du père éclatera contre le fds? c'est dès le début qu'il sera instruit de ses mensonges et les tlélrira? et, de temps à autre, l'auteur, pour ne nous laisser aucun doute sur la pureté de ses intentions, prendra soin de renouveler cette flétrissure? Mais où sera l'imprévu, où le coup de théâtre? Plus morale peut- être, l'action sera moins dramatique à coup sûr; l'explosion de l'indignation paternelle a besoin, pour être émouvante, d'être préparée, attendue, espérée, après ce long enchaîne- ment de mensonges, d'où elle doit jaillir enfin comme un soudain coup de foudre.

Et, dans le détail même de cette scène, combien l'imitateur est supérieur au modèle, au moment même où il semble bor- ner son ambition à le traduire ! Voici la scène espagnole ; que l'on compare et que l'on juge :

DON BELTRAN.

Etes-vous gentilhomme, Garcia?

GARCIA.

Je suis votre fils.

DON BELTRAN.

Et suffit-il d'être mon fils pour être gentilhomme?

GARCL\.

Je le pense, seigneur.

DON BKLTRAN.

Vous vous trompez. Celui-là seul est gentilhomme qui agit en gentilhomme. Où est la source de la noblesse des grandes maisons? Dans les illustres actions de leurs chefs. Des hommes sans naissance, dont les actions furent grandes, ont illustré leurs héritiers. C'est la bonne ou la mauvaise con- duite qui fait les mauvais et les bons. Est-ce vrai?

1. La savante analyse de M. Viguier sert ie complément à la Notice d«  M. Martj'-Laveaui dans l'édition Régnier.

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