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!K2 POMPÉE

A peine brûlait-il que le ciel plus propice

M'envoie un compagnon en ce pieux office :

Cordus, un vieux Romain qui demeure en ces lieux,

Retournant de la ville, y détourne les yeux ; 1300

Et, n'y voyant qu'un tronc dont la tête est coupée,

A cette triste marque il reconnaît Pompée.

Soudain, la larme à l'œil : « toi, qui que tu sois,

A qui le ciel permet de si dignes emplois,

Ton sort est bien, dit-il, autre que tu ne penses; 1505

Tu crains des châtiments, attends des récompenses.

César est en Egypte, et venge hautement

Celui pour qui ton zèle a tant de sentiment.

Tu peux faire éclater les soins qu'on t'en voit prendre,

Tu peux même à sa veuve en reporter la cendre. 1510

Son vainqueur l'a reçue avec tout le respect

Qu'un dieu pourrait ici trouver à son aspect.

Achève, je reviens. » 11 part et m'abandonne,

Et rapporte aussitôt ce vase, qu'il me donne,

Où sa main et la mienne enfin ont renfermé 1515

Ces restes d'un héros par le feu consumé.

1499. Corneille se sépare ici de Lucain (Pharsale, VIII, v. 715-716), cher qui ce Cordus est un questeur de Pompée, qui n'habite nullement l'Egypte, mais a suivi son général après sa défaite.

1500. Retournant, pour rf.venant; voyez la note du v. 518 de Cinna. — Betour- nant, détourne, légère négligence.

1502. Una nota est Magno capitis factura revulsi. (Lueain, VHI, 71t.)

1503. La larme à l'œil semble aujourd'hui peu poétique ; mais Racine l'em- ployait aussi bien que Corneille, et Bossuet aussi bien que nos deux grands tragiques.

1508. Au V. 1766 d'Horace, nous avons vu sentiment employé pour ressenti- ment , colère ; mais il était pris en bonne comme en mauvaise part. Ici, tant de sentiment veut dire une si pieuse affection.

1509» Tar. Ta peux même à sa veave en rapporter la cendre

Dans ces murs qne tn vois bitis par Alexandre. (16ti-16B6.)

1512. Quam metuis. démens, isto pro crimine pœnam ?

Quo te fama loquax omnes acccpit in annos ? Condita laudabit Magni socer impius ossa. (Lucain, VHI, 781-83.)

1516, Voici le récit de Plutarque, suivi xssez fidèlement par Corneille : « Phi- lippus, son aiTranchy, demeura tousjours auprès, jusques à ce que les iEgyptiens furent assouvis de le regarder, et puis l'ayant lavé de l'eau de la mer, et enve- loppé d'une sienne pauvre chemise, pour ce qu'il n'avoit autre chose, il chercha au long de la grève, où il trouva quelque demeurant d'un vieil bateau de pescheur, dont les pièces estoient bien vieilles, mais suffisantes pour brusler un pauvre corps nud, et encore non tout entier. Ainsi comme il les amassoit et assembloit, il survint un Romain homme d'aage, qui en ses jeunes ans avoit esté en la guerre sous Pompcius : si luy demanda : Qui es-tu, mon ami, qui fais cet apprest pour les funérailles du grand Pompeius? Philippus lui répondit qu'il était un sien affranchy. Ha, dit le Romain, tu n'auras pas tout seul cest hon- neur, et te prie vueilles moy recevoir pour compagnon en une si saincte et si dévote reBCeatie, afin que je n'uye point occasion de me plaindre en tout et

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