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140 " POMPÉE

Vous daignâtes m'aimer dès mes plus jeunes ans; Le sceptre que je porte est un de vos présents ; Vous m'avez par deux fois rendu le diadème ; J'avoue, après cela, Seigneur, que je vous aime, 4290

Et que mon cœur n'est point à l'épreuve des traits Ni de tant de vertus, ni de tant de bienfaits. Mais hélas! ce haut rang, cette illustre naissance, Cet Etat de nouveau rangé sous ma puissance, Ce sceptre par vos mains dans les miennes remis, 1295

A mes vœux innocents sont autant d'ennemis. Ils allument contre eux une implacable haine : Ils me font méprisable alors qu'ils me font reine; Et si Rome est encor telle qu'auparavant. Le trône où je me sieds m'abaisse en m'élevant; J300

Et ces marques d'honneur, comme titres infâmes, Me rendent à jamais indigne de vos flammes. J'ose encor toutefois, voyant votre pouvoir. Permettre à mes désirs un généreux espoir.

1290. Cet aveu même manque d'ingénuité : Cléopitre semble dire à César qu'elle l'aime parce qu'elle a reçu de lui le diadème ; son amour serait donc de la reconnaissance, de l'ambition satisfaite, rien de plus.

1296. A mes vœux, pour mes vœux; voyez le v. 1458, où Corneille emploiera aussi à dans le sens de pour.

1298. Faire est ici pour rendre :

Son amour innocent, chassant le paternel,

Vous fera l'innocent, et moi le criminel. (Nicomède, 1062.)

1300. Corneille emploie très souvent se seoir pour s'asseoir, aujourd'hui beaucoup plus usité :

Je sais qu'il m'appartient, ce trône où tu te sieds. (Héraclius, 1*3.) n se sied, il lui dit qn'il veut la voir pourvue. {Menteur, 626.) Sieds-toi, je n'ai pas dit encor ce que je veux. {Cinna, 1479.) Seyez-vous, et quittons ces petits différends. {Don Sanche, 239.)

n'abaisse en m'élevant est une de ces antithèses qu'aime à renouveler Corneille. Cléopâtre veut dire que si Rome est encore la même et déteste toujours la royauté, son élévation même l'amoindrira aux yeux des Romains, qui la juge- ront indigne des « flammes » de César. C'est ce que dit aussi Phénice à sa maîtresse dans la Bérénice de Racine :

Rome hait tous les rois, et Bérénice est reine (I, 6), et le confident de Titus. Paulin, le lui répète :

Elle a mille vertus; mais, se gneur. elle est reme... D'ailleurs, vous le savez, en bannissant ses rois. Rome à ce nom, si noble et si saint autrefois, Attacha pour jamais nne baine puissante; Et qnoiqa'à ses Césars ûdèle, obéissante, Cette haine, seigneur, reste de sa fierté. Survit dans tous les cœurs après la liberté. Jules, qn.i le premier, la soumit à ses armes. Qui fit taire les lois dans le bruit des alarmes, Brûla pour Cléopâtre. et, sans se déclarer, 8«aU aani l'Orient la laiisa soupirer. (II, 3.)

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