Page:Corneille Théâtre Hémon tome3.djvu/127

Cette page n’a pas encore été corrigée

ACTE III, SCÈNE I ni

Immobile, et les yeux sur l'objet attachés,

Nous tient assez longtemps ses sentiments cachés;

Et je dirai, si j'ose en faire conjecture,

Que, par un mouvement commun à la nature,

Quelque maligne joie en son cœur s'élevait, 77P

Dont sa gloire indignée à peine le sauvait.

L'aise de voir la terre à son pouvoir soumise

Chatouillait malgré lui son âme avec surprise,

culiere inclination au genre féminin. Corneille et les tragiques contemporains semblent avoir eu une inclination contraire. Voyez le v. 1400.

Allons fonler aux pieds ce foudre ridicule. (Polyeucte, 713.)

Le foudre ne choit pas tonles les fois qu'il tonne. (Rotron. Clarice. III, 4.)

Sur qui tombe ce foudre ? où l'avez-vons lancé ? (Id., Cosroès, V, 4.)

B Ce n'est pas un coup de foudre pour César que la mort de Pompée, n (Vol- taire.) Il Non sans doute, ce qui n'empêche pas qu'au spectacle affreux et inat- tendu de cette tête César ne puisse être frappe comme d'un coup de foudre : dans ^on trouble il peut même d'abord, comme le dit Achorée, ne savoir ce qu'il doit croire. Est-ce bien par les ordrts de Ptolomée que Pompée a péri? Sonl-ce les assassins de ce grand homme qui osent lui présenter sa tète? Que résoudra-t-il? Tous ces sentiments sont vrais et naturels. » (Palissot.)

771. L'objet semble faible : un objet, pourtant, c'est tout ce qui s'offre à nos regards et frappe notre vue.

772. Non p,imo Cseiar damnavit mimera vultu...

Vultus, dum crcderet, hxsit. (Lacain. IX, 1033-1036.)

775. Déjà, dans Horace et Polyeucte, Corneille avait fait dire à Sabine et à Félix, partagés entre deux sentiments contraires :

Si j'ai TU Rome heareuse avec quelque regret,

Sonilain j'ai condamné ce m lavement secret.

Et si j'ai ressenti, dans ses destins contraires,

Quelque mali'jnc joie on favear de mes frères,

Soudain, pour létoufTer, rappelant ma raison.

J'ai pleure quand la gloire entrait dnns leur maison. (Horace, 1, 1.)

Mon cœur en prend par force une maligne joie. {Polyeucte. 1037.)

C'est, à peu de chose près, le combat qui se livre ici dans l'âme de César. Voltaire, pourtant, safriûe les vers à.'Horace à ceux de Pompée, et s'écrie, avec une sincérité d'enthousiasme qui ne lui est pas ordinaire : o Quelle peinture et quelle vérité ! Que ces grands tr.iits effacent de fautes ! Rien n'est plus beau que cette tirade. » — « Corneille a suivi Lucain, qu'il admirait trop, dans cette défiance Cfu'il a des larmes de César. Cependant, comme Corneille a l'instinct du grand, il a compris quel était le sentiment qui faisait pleurer César en voyant la tête de Pompée, mais il n'a osé l'exprimer qu'à moitié... Il y a bien un excès de sagacité dans cette peinture de César recevant la tête de Pompée; mais, à travers celte sagacité, l'admiration qu'inspire à Corneille la grande âme de César commence à percer. Il croit que César a eu quelque maligne joie ; mais sa gloire s'en indi- gnait : il est donc tout près d'avoir foi aux larmes de César. » (Saint-Marc Girar- din, Cours de littérature dramatique IV, 63.)

777. L'aise; Corneille et les tragiques contemporains emploient souvent ce mot BU singulier et dans le style le plus élevé :

Ne dois-je point encore en témoigner de Vaise ? {Médée, 302.)

778. Chatouillait ; l'emploi de ce mot au figuré est fort ancien dans notr«  langue, dit M. Marty-Laveaux, qui cite un autre exemple emprunté à la traduc- tion de Vlmilation par Corneille. Ménage, qui ne l'aimait pas, et qui, dans ses Observations sur le* poésies de Malherbe, blâme chatouiller mon âme, est forcé

�� �