Page:Corneille Théâtre Hémon tome3.djvu/118

Cette page n’a pas encore été corrigée

102 POMPÉE

Que nos deux intérêts ont quelque différence.

PTOLOMÉE.

Oui, ma sœur, car 1 État dont mon cœur est content

Sur quelques bords du Nil à j^rand'peine s'étend; 620

Mais César, à vos lois soumettant son courage,

Va vous faire régner sur le Gange et le Tage.

CLÉOPATRE.

J'ai de l'ambition, mais je la sais régler :

Elle peut m'éblouir, et non pas m'aveugler.

Ne parlons point ici du Tage ni du Gange ; 625

Je connais ma portée, et ne prends point le change.

PTOLOMÉE.

L'occasion vous rit, et vous en userez.

CLÉOPATRE.

Si je n'en use bien, vous m'en accuserez.

PTOLOMÉE.

J'en espère beaucoup, vu l'amour qui l'engage.

CLÉOPATRE.

Vous la craignez peut-être encore davantage ; 630

Mais quelque occasion qui me rie aujourd'hui,

N'ayez aucune peur, je ne veux rien d'autrui :

Je ne garde pour vous ni haine ni colère.

Et je suis bonne sœur, si vous n'êtes bon frère.

PTOLOMÉE.

Vous montrez cependant un peu bien du mépris. 635

CLÉOPATRE.

Le temps de chaque chose ordonne et fait le prix.

620. Bords, surtout en poésie, a cuvent la signification de région, pays, et non pas seulement de rivage.

623. Elle l'a déjà dit au v. 430. ,

626 Ce qui est à la portée de quelqu'un, cest, au propre, ce quil peut atteindre: figurément, ce quil est capable de faire. Je connais ma portée, c est donr- entendre : je sais ou je puis aspirer et dans que le mesure j ai le droit d'être ambitieuse. Cette acception a vieilli, mais était alors très usitée. « Con- naissons donc notre portée. » écrivait Pascal (Pensées, I, 1, éd. Havet . Corneille lui-même a très nettement marqué le sens de ce mot, lorsquil dit, dans les Poésies diverses :

11 n'est dans tous les arts seeret plus excellent

Que d'y voir sa portée et choisir son talent. (XAVUl.)

535. Un jmi hier du mépris semble une expression plutôt comique que

�� �