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96 POMPEE

Immobile à leurs coups, en lui-même il rappelle

Ge qu'eut de beau sa vie, et ce qu'on dira d'elle,

Et tient la trahison que le roi leur prescrit

Trop au-dessous de lui pour y prêter l'esprit.

Sa vertu dans leur crime augmente ainsi son lustre, 525

Et son dernier soupir est un soupir illustre,

Pompée ne veut point donner raison à ses meurtriers en se montrant par sa lâcheté digne de leurs coups.

521. Une variante donne : « immobile en leurs coups ». — « Immobile n'a et ne peut avoir de régime, car, en toute langue, on n'est immobile ni à quelaue chose, ni en quelque chose. » (Voltaire.) « L'expression de Corneille paraîtra moins vicieuse en rétléchissant qu'on peut donner à la préposition à le sens de contre : immobile contre leurs coups. » (Godelroy, Lexique de Corneille.) —Il rappelle; c'est, encore ici, le latin revocare in animum.

Rappelez, dans son cœur leni^s plus doux entretiens. (Pulehéric, 672.)

522. Voilà un sentiment digne du Pompée de l'histoire, si dominé par l'amour de la gloire et par l'orgueil. L'altitude que Corneille, après Lucain, prête à Pompée, est belle et fiere, un peu théâtrale. Mais Lucain, moins discret, déve- loppe les réflexions de Pompécj en une s )rte de discours mental qui n'a pas moins de quatorze vers, et que Brebeuf délaye en vingt-deux.

524. Corneille dit familièrement : prêter l'œil et l'oreille {Illusion comique, V, 5), prêter les yeux [liodogune, l5S5),et : prêter l'esprit, prêter l'âme:

Prêtez à ce récit une âme généreuse. {Œdipe, 585.)

M Le plus grand homme n'est nas indifférent à un pareil moment; il ne croit pas qu'il soit au-dessous de lui d'y penser.» (Palissot.) V^oyez dans l'Introduction les applications que fait M"»" de Sévigné de ce passage, qui l'avait évidemment

frappée. . , ■ ■ , • ^

526. Ce vers semble un souvenir de celui de Lucain : « Seque probat moriens... » (Vlll, 621.) Voici comment Bréhcuf a traduit tout ce passage :

Près du terme fatal et <lu moment suiirème. Son granil cœur est cncor le maitie de soi-même. Enfin, voyant briller le fur «le tous côtés. Voyant fdudie sur lui ces monstres irrites. Son âme. i|ni deD'roi ne ."-e sent point frappés. Sur son front assuré met d'abonl tout Pompée. Se montrant tout entier à ces courages bas. Seul il semble sufQre à désarmer leurs bras. Mais, honleu.x d'all'ronter un si honteux orage, Sous un pan de sa robe il voile son visage; Honteux de s'expo>er .'i cet indigne elVort, Il cache à ses regards l'appareil de la niort; Il se possède en paix au milieu des alarmes. Et son cœur à ses yeux ne p>rmet point les larmes. J,e barbare Achillas, ce monstre au<l:i('ii-ux, Commençant à verser un sang si précieux, 11 semble' consentir à cet assaut tarouobe; Aucuns gémissements n'échappent i sa bouche; Il se met au-ilussus d'un outrage si içrand; Il se lient immot)ile, et s'éprouve en mourant.

« Voltaire, dit M. Godefroy, commet ici plusieurs méprises qui ont droit d'étonner. 11 parait ignorer ce que signifie en poésie l'expression de dernier soupir, et il la confond avec les gémissements. Son dernier soupir est U7i soupir illustre veut dire : son dernier moment, sa mort, fût illustre comme sa vie ; et l'expression est juste autant qu'elle est forte. » Corneille, d'ailleurs, comma Racine, aime à employer illustre en parlant des choses.

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