Page:Corneille Théâtre Hémon tome3.djvu/107

Cette page n’a pas encore été corrigée

ACTE 11, SCÈNE II 9i

SCÈNE II.

CLÉOPATRE, ACHORÉE, CHARMION.

CLÉOPATRE.

En est-ce déjà fait, et nos bords malheureux Sont-ils déjà souillés d'un sang si généreux ?

ACHORKE.

Madame, j'ai couru par votre ordre au rivage;

J'ai vu la trahison, j'ai vu toute sa rage; 450

Du plus grand des mortels j'ai vu trancher le sort:

J'ai vu dans son malheur la gloire de sa mort;

Et puisque vous voulez qu'ici je vous raconte

La gloire d'une mort qui nous couvre de honte,

Ecoutez, admirez, et plaignez son trépas. 455

Ses trois vaisseaux en rade avaient mis voiles bas ; Et, voyant dans le port préparer nos galères, Il croyait que le roi, touché de ses misères, Par un beau sentiment d'honneur et de devoir, Avec toute sa cour le venait recevoir; 460

Mais, voyant que ce prince, ingrat à ses mérites. N'envoyait qu'un esquif rempli de satellites,

449. Chez Lucain, le (îdèle Achorée n'est pas un écuyer de Cléopâtre, c'est un

Prêtre qui, dans la délibération, ouvre un avis humain, contraire à celui de hotin, et qui, au chant X, dévoilera les mystères du Nil à César. Ici, c'est un de ces confidents tragit|ues dont le rôle consiste à raconter ce que le poète ne nous laisse pas voir. Il ne fait pas moins de trois récits (actes II, ii; lil, i ; V, m), dont le premier est le plus long et le plus beau. « Lorsqu'on a affaire à un esprit tranquille, comme Achorée à Cléopâtre dans la Mort de Pompée, pour qui elle ne s'intéresse que par un sentiment d'honneur, on prend le loisir d'expri- mer toutes les particularités; mais, avant que d'y descendre, j'estime qu'il est bon même alors d'en dire tout l'effet en deux mots dès l'abord. » (Corneille, Examen deMédée.)

430. « La rage de la trahison ! » (Voltaire.). — « Oui, la trahison, quand elle n'a plus rien à dissimuler, prend le caractère et les emportements de la rage. » (Palissot.) On dirait aujourd'hui : J'en ai vu toute la rage ; mais, en parlant de la trahison, le poète songe aux traîtres.

451. Selon Voltaire, on tranche la vie, on tranche la tète, on ne tranche point un sort. Palissot remarque que le sort se dit poétiquement pour la vie.

45fe, Avaient mis voiles b&s, avaient baissé, cargué les voiles ; on dit souvent : mettre bas les armes ; mais la tournure mettre voile bas est plus rare.

460. Quippe fides si pura foret

Venturum tota Pharium cum classe tyrari'iium. (Lucain, VTII, 572-74.)

481. Voltaire, qui, dans la Mort de César (I, 4), écrit lui-même : « Ingrat à tes bontés, ingrat à ton amour », blâme la locution ingrat à pour ingrat envers. On

�� �