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90 POMPEE

Mais laissons au hasard ce qui peut arriver ;

Achevons cet hymen, s'il se peut achever,

Ne durât-il qu'un jour, ma gloire est sans seconde

D'être du moins un jour la maîtresse du monde. 430

J'ai de l'ambition, et, soit vice ou vertu,

Mon cœur sous son fardeau veut bien être abattu;

J'en aime la chaleur et la nomme sans cesse

La seule passion digne d'une princesse.

Mais je veux que la gloire anime ses ardeurs, 43j

Qu'elle mène sans honte au faîte des grandeurs;

Et Je la désavoue alors que sa manie

Nous présente le trône avec ignominie.

Ne t'étonne donc plus, Charmion, de me voir Défendre encor Pompée, et suivre mon devoir. 440

Ne pouvant rien de plus pour sa vertu séduite, Dans mon âme en secret je l'exhorte à la fuite, Et voudrais qu'un orage, écartant ses vaisseaux, Malgré lui l'enlevât aux mains de ses bourreaux. Mais voici de retour le fidèle Achorée, 445

Par qui j'en apprendrai la nouvelle assurée.

Comme il n'a plus d'enfants, ces chers et nouveaux gages Me seraient de son cœur de précieux otages. Mais laissons, ete (1641-1636.)

Quoique ces vers fassent allusion à un fait historique, la naissance de César rion, (ils de César et de Cléopâtre, Corneille en a senti l'inconvenance et a pro- fondément modifié ce passage dans les éditions postérieures.

429. Sans seconde, fln de vers qui reviendra au v. i057 et que Corneille ne dédaigne pas assez :

Notre gloire, il est vrai, deviendra sans seconde. (Sertorius, 649.)

On sait que Boileau, dans la satire II, a raillé l'abus que les poètes contem- porains faisaient de cette expression vague et banale.

431. J'ai de l'ambition; elle le dira encore, dans les mêmes termes, auv. 623. — Ou remplace le second soit, qu'il n'est pas indispensable de répéter; cette tournure était très usitée au xyii" siècle et, encore aujourd'hui, elle est correcte.

434. Les femmes, chez Corneille, sont trop glorieuses et ambitieuses à froid, surtout dans les dernières pièces : Viriate, Mandane, Honorie, Ildione, Piil- chérie, n'aiment que « par politique »,

437. Manie, fiavia, iAaivo|ji.a;, sens étymologique de passion furieuse. Maudite ambition ! détestable manie ! {Cid, II, 3.) A l'envi l'un et l'antre étalait sa manie. {Polyeucte. III. 2.)

441. « Il semble par la phrase qu'il s'agis.^e de la vertu séduite de Pompée, et c'est de la vertu séciuite de Gléopàtre. » (Voltaire.) — « Sa vertu séduite, quoi qu'en dise Vciltaire, ne peut se rapporter qu'à Pompée, et n'aurait aucun sens si on l'appliquait à Cléopâtre. Que signifie donc sa vertu séduite? îions rroYons que Corneille s'est mal expliqué, mais qu'il a voulu dire : sa confiance à laquelle nn tend un piège. En elFet, Pompée tombe dans le piège que lui tend la perfidie do Ptolomée : sa bonne foi séduite ne rencontre que des assassins où elle se flattait de trouver un asile. » (Palissot.)

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