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nuls. Comincnt donc pouriait-il se faire que cet Horace, en qui s'iiicariieiiL la loi suprême, le patriolis.-i;e idéal, la vic- toire décisive du devoir sur la passion, nous fût représenté comme un fier-à-bras niaisement ridicule, et qu'en riant de lui nous pussions rire de la foi patriotique qui l'embrase ?
Si l'on voulait mesurer toute la hauteur de cet héroïsme, étroit, mais indomptable, il faudrait opposer le jeune Horace, non pas à Curiaco, dont les modernes préféreront toujours la fermeté attendrie, ni à Camille, dont le nom seul rappelle que ce héros est un héros sanglant, mais à Sabine, cette plaintive compagne d'un citoyen qui ne sait pas se plaindre. On nous dil, il est vrai, non sans raison, que Sabine est là
ftour nous reposer d'un sublime trop continu, pour remplir es lacunes de l'action, pour faire ressortir la passion em- flammée de Camille par le contraste de sa tendresse lar- moyante. Jamais, en effet, contraste n'a été plus nettement indiqué, jamais les intentions d'un poète n'ont été moins contestables. La première scène du premier acte nous peint le caractère de Sabine; la seconde, celui de Camille. Le rôle de l'une occupe l'attention dans les trois premiers actes; l'importance du rôle de l'autre se relève aux derniers. Sabine hésite perpétuellement ; Camille n'hésite pas un instant à préférer l'amour à l'honneur. Sabine est confiante et respec- tueuse des dieux; Camille, défiante et incrédule*. Le per- sonnage de Sabine est tout passif, et son influence sur les événements est nulle ou peu directe, tandis que l'influence de Camille est fort considérable et que même toute la seconde partie de la pièce n'existerait pas sans elle.
Vu de ce biais, le caractère de Sabine n'apparaît point déjà sous un jour fort avantageux, mais, considéré au point de vue moral, il reconquiert la supériorité qu'il a perdue au point de vue dramatique : Albaine et Romaine tout à la fois, placée entre sa patrie d'origine et sa patrie adoptive, Sabine a quelques raisons de se désespérer, et ce n'est point tout à fait sa faute si la gêne d'une situation fausse la réduit à se lamenter dans le vide 2. Cette honnête femme, de sang plus froid et d'esprit plus rassis que sa belle-sœur, serait inca- pable d'ouvrir aux mêmes fureurs son âme scrupuleuse et tendre. On a été jusqu'à voir en elle « le type de ces ma- trones dont la vie austère et cachée se recommandait surtout par un profond respect du devoir et de la sainteté
1. Nous empruntons les principaux traits de cette opposition à l'ExplicatiOTi du théâtre classique, de M. Horion. %, M, Merlet, Etudes sur les classiques
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