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ACTE ITT. SCSNE VI 128

El ne l'auront point vue obéir qu'à son prince, 1015

Ni d'un Etat voisin devenir la province.

Pleurez l'autre, pleurez l'irréparable affront

Que sa fuite honteuse imprime à notre front ;

Pleurez le déshonneur de toute notre race

Et l'opprobre éternel qu'il laisse au nom d'Horace. 1020

JULIE

Que vouliez-vous qu'il fît contre trois?

LE VIEIL HORACE

Qu'il mourût ! Ou qu'un beau désespoir alors le secourût.

1015. Qu'à son prince, sinon à son prince ; voyez le vers 727.

Vous n'avez point ici d'ennemi que vous-même. (Polyeucte, 1167.)

1018. Le vieil Horace parle ici le fier langage de don Diègue, qui lui aussi croit toute sa race déshonorée par l'affront qu'il a reçu :

Achève et prends ma vie après un tel affront. Le premier dont ma race ait vu rougir son front.

1021-1022. n Voilà ce fameux qu'il mourût, ce trait du plus grand sublime, ce mot auquel il n'en est aucun de comparable dans toute l'antiquité. Tout l'auditoire fut si transporté qu'on n'entendit jamais le vers faible qui suit; et le morceau n'eût-il que d'un moment retardé sa défaite, étant plein de chaleur, augmente encore la force du Qu'il mourût. Que de beautés ! et d'où naissent-elles? d'une simple méprise très naturelle, sans complications d'événements, sans aucune intrigue recherchée, sans aucun effort. 11 y a d'autres beautés tragiques, mais celle-ci est au premier rang. Il est vrai que le vieil Horace, qui était présent quand les Horaces et les Curiaces ont refusé qu'on nommât d'autres champions, a dû être présent à leur combat. Cela gâte jusqu'au ()« Qu'il mourût. » (Voltaire.) — Dans sa Lettre à l'Académie, Fénelon est d'avance de l'avis de Voltaire, et croit que Corneille a voulu « attraper la rime. » — «  Non, le Qu'il mourut n'est point gâté; et ne saurait l'être. Quoi qu'en dise Voltaire, il n'est point prouvé que le vieil Horace dût être présent au combat. 11 est Romain, mais il est père. Il ne pardonnerait pas à ses fils de s'être déshonorés par une lâcheté; mais il ne veut être le témoin ni de leur mort, ni de celle des Curiaces. » (Palissot.) « C'est Rome qui a prononcé le qu'il mourût; c'est la nature qui, ne renonçant jamais à l'espérance, a dit tout de suite :

On qu'un beau désespoir alors le secourût,

« Je veux bien que Rome soit ici plus sublime que la nature; cela doit être. Mais la nature n'est pas faible quand elle dit ce qu'elle doit dire. » (La Harpe.) — « La réflexion fait dire au vieil Horace, après le premier cri du cœur tout à l'honneur de la famille: Ou qu'un beau désespoir, etc. 11 ne s'agissait point de m^iurir en effet; la mort d'Horace, pour sauver son honneur, ne sauvait point Rome. 11 fallait se conserver, et qu'un effort désespéré arrachât la victoire à ses trois adversaires. Ainsi, après le premier mouvement, irréfléchi et sublime, vient la rcQexion, non moins vraie et non moins forte. Je ne crois pas que La Harpe ait compris la situation historique ni la pensée de Corneille, et il me semble qu'il lui fait dire tout le contraire de ce qu'il a voulu. Le Qu'il tnourût était inspiré par l'honneur étroit de la famille: plutôt la m rt que la honte du nom d'Horace! Puis le vieil Horace songe que la mort de son fils amènerait la victoire d'Albe, et c'est bien plutôt Rome que la nature qui lui fait dire : Ou qu'un beau désespoir alors le secourût. » .Desjardins, le grand Corneille historien.) Nous croyons que cette explication est la vraie : car les vers qui suivent ne nous parlent encore îne de la patrie. En tout cas, qu'on l'adopte ou qu'on s'en tienne à celle d%

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