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n’eût-il pas bien fait lui-même de ne pas sortir de son « métier », qui était celui d’un érudit, et non d’un poète épique? Mais, pour lui pardonner ses critiques et pour sentir toute la valeur de ses éloges, il ne faut pas oublier la querelle du Cid. Eu 1636, Chapelain trouvait des défauts inattendus à la première des grandes œuvres cornélieuues ; en 1662, il loue sans réserve Sertoinus ; déjà il s’est employé activement pour faire entrer comme page chez la duchesse de Nemours le second fils de Corneille, et il a réussi, grâce surtout, sans doute, au nom que porte ce jeune homme:

Parce qu’il est le noble enfant
De Corneille, esprit triomphant’.

Ainsi, loin de perdre des amis, Corneille en gagnait. Sur la liste officielle on lit : « Au sieur Pierre Corneille, premier poète dramatique du monde, deux mille livres. » C’est peu pour le premier poète du monde, et d’autres avaient davantage. Il s’en montra pourtant satisfait : dans un Reryierciement au roi (1663), comme s’il voulait confirmer le jugement de Chapelain, il faisait trop bon marché de ses poésies détachées, et ne se reconnaissait que le talent dramatique :

Il n’est dans tous les arts secret plus excellent
Que d’y voir sa portée et choisir son talent :
Pour moi, qui de louer n’eus jamais la méthode,
J’ignore encor le tour du sonnet et de l’ode.
Mon génie au théâtre a voulu m’attacher:
Il en a fait mon fort, il sait m’y retrancher.
Partout ailleurs je rampe, et ne suis plus moi-mêoie ;
Mais là j’ai quelque nom, là quelquefois on m’aime.

Et il achevait ce remerciement encore fier par cet appel pressant :

Commande, et j’entreprends ; ordonne, et j’exécute.

Mais cet enthousiasme tombera bientôt, et le même poète

1. Loret, Muse historique, 30 avril. Lettres de Chapelain à Corneille, 30 mars 1661 et 4 octobre 1662.