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270 LE CID

Puisque vous refusez la justice à mes larmes, Sire, permettez-moi de recourir aux armes; C'est par là seulement qu'il a su m'outrager, Et c'est aussi par là que je me dois venger. 140(»

A tous vos cavaliers je demande sa tête : Oui, qu'un d'eux me l'apporte, et je suis sa conquête ; Qu'ils le combattent, Sire, et, le combat fini, J'épouse le vainqueur, si Rodrigue est puni. Sous votre autorité souffrez qu'on le publie. 1405

D. FERNAND.

Cette vieille coutume, en ces lieux établie.

Sous couleur de punir un injuste attentat.

Des meilleurs combattants affaiblit un État.

Souvent de cet abus le succès déplorable

Opprime l'innocent et soutient le coupable : 1410

J'en dispense Rodrigue : il m'est trop précieux

Pour l'exposer aux coups d'un sort capricieux.

Et quoi qu'ait pu commettre un cœur si magnanime.

Les Mores, en fuyant, ont emporté son crime.

D. DIÈGUE.

Quoi, Sire! pour lui seul vous renversez des lois 1415

Qu'a vu toute la cour observer tant de fois ! Que croira votre peuple et que dira l'envie,

1400. On verra au vers 1644 une construction de me toute semblable.

1401. Var. A tons yoi chevaliers je demande sa tAte. (1637, in-4*, 39 et U.)

Sur cavalier et chevalier, v»yez la note du vers 82. — Chiraène s'irrite qu'on ne prenne point au sérieux sa réclamation, s'exalte peu à peu, et arrive peut-être à se croire sincère elle-même, dans son désir de persuader sa sincérité aux autres. Elle demande ici le jugement de Dieu, mais on sent qu'elle parle moins en femme du moyen âge qu'en héroïne du temps de Louis Xfll.

1407. Sous couleur, sous prétexte : chez Corneille comme chez Racine, une couleur, c'est une vaine raison et parfois un mensonge spécieux. Corneille dit aussi, en ce sens, sous une autre couleur . (Sertorius, I, 2.)

1408. Affaiblit de, affaiblit un État en lui faisant perdre ses meilleurs com- battants; dans son Lexique de Corneille, M. Godefroy cite des exemples de cette ancienne locution, empruntés à l'épopée d'Ogier le Danois et aux Mémoires de Martin du Bellay.

1409. Le succès, le résultat; voyez la note du vers 71.

1410. Lui aussi, le roi parle ici en roi moderne, un peu sceptique. Au fond, tout ce qu'il dit des jugements de Dieu peut s'appliquer aux duels, et s'y appli- quait peut-être dans la pensée de Corneille.

1414. « Ce vers, d'une surprenante beauté, a quelque analogie avec ce passage de Florus : « Virtus parriddam abstulit. » (M. Géruzez.) — « Après avoir long- temps parlé comme un bailli, ce roi, tout d'un coup, s'exprime en roi. » (Sainte- Beuve, Nouveaux Lundis, Vil.) M. de Bornier voit dans, ce seul vers toute une politique, qui prend pour règle l'intérêt supérieur de l'Etat. {La politiQm» dan» Corneille.) Nous avouons n'y point voir tant de choses.

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