Ski LE CID
Jamais un meurtrier en fît-il son refuge?
D. RODRIGUE,
Et je n'y viens aussi que ra'offrir à mon juge. 750
Ne me regarde plus d'un visage étonné ;
Je cherche le trépas après l'avoir donné.
Mon juge est mon amour, mon juge est ma Chimène ;
Je mérite la mort de mériter sa haine,
Et j'en viens recevoir, comme un bien souverain, 755
El l'arrêt de sa bouche, et le coup de sa main.
ELVIRE.
Fuis plutôt de ses yeux, fuis de sa violence;
A ses premiers transports dérobe ta présence :
Va, ne t'expose point aux premiers mouvements
Que poussera l'ardeur de ses ressentiments. 760
D. RODRIGUE.
Non, non, ce cher objet à qui j'ai pu déplaire
749. Meurtrier; sur la quantité, alors presque nouvelle, de ce mot, voyez la note du vers 738. 730. Var, Jamais on menrlrier s'offrit-il à son jnge? (1637-56.)
751. Etonné, très fort alors, a beaucoup perdu de son énergie étymologique, attonitus, frappé de la foudre :
Rappelle cependant tes forces étonnée». {Polyeucte, 361.)
Mon génie étonné tremble devant le sien. (Racine, Britannicui, tl. S.)
« Mon Dieu, pourquoi vois-je devant moi ce visage dont vous étonnez les réprouvps? » (Bossuet, Premier sermon pour le Vendredi-Saint.) Au vers 1433, nous verrons le verbe étonner pris dans un sens très énergique.
756. 11 Nous dire qu'il vient pour -e faire tuer par Chimène, c'est nous ap- prendre qu'il ne vient que pour faire des pointes : les filles bien nées n'usurpent jamais l'office des bourreaux. C'est une chose qui n'a point d'exemple, et qui serait supportable dans une élégie à Philis, où le poète peut dire qu'il veut mourir d'une belle main, mais non pas dans le grave poëine dramatique, qui représente sérieusement les choses comme elles doivent être. » (Scudéry.) Il est piquant de voir Scudéry donnera Corneille des leçons de sérieux et de bon goût. L'Académie est plus sévère encore, car elle eût voulu que Rodrigue, trop assuré de n'être pas tué par Chimène, se tuât lui-même sur la scène. On accordera seule- ■nent qu'il y a dans ce vers un peu de faux goût romanesque.
757. Fuis de, fuis loin de, tournure vive, dont M. Littré cite deux exemples, jris dans Racan. L'on en trouve quelques autres chez Corneille même :
Où fuirais-je de voxu après tant de forie? (Rodogunt, 1763.)
760. Pousser des mouvements semble d'abord une expression bizarre; mais U ne faut p.is ubiier que les poètes employ.iient souvent le mot mouvement dans le sens -'e : seiiliMictil pussioniié (]iii se manifeste au dehors par un transport viol. nt. Pouster, applique à ces mouvemi-nts impétueux, n'est pas rare chez Corneille, qui éi-rit même t Pompée. 1672), pousser un bruit :
Un luouieot pouste et roinpl ce transport violent. (Pompée, 1010.)
791. Objet, p'^rsoDoe ai:::ée est un des mots les plus usaeb de cejargon qM
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