CHIMÈNE.
Le roi le fait captif, mais sache que mon àme Est plus captive que ton corps.
Bientôt son innocence est reconnue, mais il n’est pas an terme de ses épreuves : il lui faut encore désarmer le triste don Sanche, qui a mis l'épée à la main, essuyer les déclarations passionnées de l’infante, presser Chimène qui hésite, et n’est décidée que par l’intervention du roi •
A ses feux violents n’opposons plus de glace, Et ne différons plus à lui rendre la place.
Nous avons cru devoir donner une analyse * de cette œuvre, détestable en elle-même, mais curieuse par les réflexions qu’elle fait naître. Qu’un chef-d’œuvre heureux soit imité, repris en sous-ordre, continué, jusqu’à ce que le succès s’en épuise, cela n’a rien que d’assez ordinaire ; on en a vu bien des exemples fameux.
Mais qu’on le reprenne pour appliquer certîiines critiques, pour donner raison à certains censeurs en crédit, ceci est plus rare. Or lintention critique est aussi manifeste dans la pièce de Desfontaines que dans celle de Chevreau, car Desfontaines n’a pas été moins choqué par le dénouement, ou plutôt par l’absence de dénouement, du Cid; il n’a pas moins naïvement cru à la nécessité de rendre plus vraisemblable, partant plus morale, l’union projetée de Chimène et de Rodrigue. Dans ce but, il a compliqué l’intrigue, multiplié les incidents, enchevêtré les passions, si bien qu’au lieu d’un mariage il nous en offre trois.
Ce n’était pas assez que Chimène fût aimée par Rodrigue et don Sanche, Rodrigue par Chimène et l’infante; il a voulu que le roi lui-même fût épris de Chimène, et que Rodrigue^ par surcroît, ait touché le cœur d’une jeune princesse musulmane.
De là une situation qui confine au comique : le roi, pour avoir Chimène, s’efforce de décider Rodrigue à épouser l’infante ; l’infante, pour avoir Rodrigue, essaye de persuader à Chimène que la couronne lui siérait à merveille ; entre ces personnages don Sanche promène son lamentable amour, et
1. Les frères Parfaiet n’en ont donné qu’un sommaire assez peu exact.