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18 LE GID

de l'immuable justice. Toutes ses conquêtes, il les donne au roi; sur les murailles de toutes les villes qu'il preud, il fait peindre les armes d'Alphonse. « Car la vengeance du vassal envers son roi ressemble à de la trahison: il prouve au con- traire qu'il est de sang noble et ancien en se soumettant xvec calme, même à l'injustice... Quoique notre roi ait été in- grat, ses vassaux ne doivent jamais êlre comme lui. Loin de ià! il faut qu'ils versent leur sang pour lui en allant vaincre ses ennemis... S'il a été permis au roi, comme à mon sei- gneur et maître, de me dépouiller de mes domaines, il m'est bien permis, maintenant que je suis pauvre, de m'acquitter envers lui avec les Etats de nos ennemis. »> Et il accable de présents le monarque ingrat, dont il veut à la fois être la victime et le bienfaiteur.

Mais qu'adouci par ses présents multipliés, Alphonse lui rende sa faveur, il n'acceptera pas avec une soumission reconnaissante le pardon d'une faute qu'il ne croit pas avoir commise. 11 posera ses conditions, en homme qui se sait nécessaire : qu'on ne puisse exiler un hidalgo sans lui laisser un délai de trente jours; qu'on ne le bannisse jamais avant de l'avoir entendu, que tous les privilèges soient sauvegar- dés, et que l'insurrection soit légitime contre ceux (jui les violeraient; ce sont là ses exigences, on serait tenté de dire ses « cahiers », tant on a de peme à distinguer entre cer- tains seigneurs féodaux et certains révolutionnaires. Parfois, le roi se résigne et observe que plus le Cid est puissant, plus il en revient de gloire à son souverain; mais plus souvent il s'irrite, se révolte, et l'on aurait vraiment mauvaise grâce à '.e lui reprocher.

Le fils. — 11 y a plus d'unité dans le caractère du fils, et l'on ne saurait en être surpris. Ici, point de contradictions possi- bles, point d'adoucissemenis nécessaires : l'honneur de la ^1 m il le outragé, le père faisant appel à son flls pour le ven- iM. la vengeance suivant de prés l'affront, quoi de plus sim- i . (le plus naturellement héroïque? Aussi est-ce la partie lu hoiiiiincero qui semble le moins altérée. La scène où le fipre déshonoré éprouve ses fils est d'une sauvage grandeur: i« .VLiigré son grand âge et ses cheveux blancs, l'honneur lui prêtant des forces, ranimant ses nerfs engourdis et ré- cliautfaiit son sang glacé, il leur serra les mains avec tant de violence que tous s'écrièrent : « Assez, seigneur! que pré- tendez-vous, que voulez-vous? Lâchez-nous, car vous nous fuez. » Mais quand il vint à Rodrigue, l'espérance du succès qu'il attendait étant presque morie dans son sem, les yeux «nflammés, tel qu'un tigre furieux d'Hyrcanie, plein de rage

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