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INTRODUCTION 15

Raillés et humiliés, les infants se vengent comme ils peuven» se venger, lâihement: ils font fouetter jusqu'au sangles fille? du ("id. dépouillées de leurs vêtements et attachées aux arbres d'une forêt. La colère du père outragé éilate, formidable, dans les plaintes qu'il porte aux pieds du roi, dans l'acte d'iiccusalion qu'il dresse, au sein des Cortès réunies, contre ses gendres indignes. Mais il se contient et se borne à réclamer le jugement de Dieu. Vaincus par ses champions, les infants sont punis et chassés. Quant aux filles du Cid, elles sont demandées en mariage par les infants de Navarre et d'Aragon. Cet afl'ront ne sert donc qu'à grandir encore le Cid, ancêtre de rois futurs.

11 est impossible de ne pas remarquer la ressemblance de cet épisode romanesque avec les épisodes les plus habituels des romans de la Table Ronde. Rodrigue est là « le chevalier au lion », et ce lion si intelligent, si doux, on serait tenté de dire si bien élevé, n'est pas le seul de sa race. Comme les princesses de roman, les filles du Cid sont trahies et persé- cutées; mais les traîtres sont châtiés, et un brillant mariage dédommage leurs victimes. Ce seul rapprochement ne niarque-t-il pas une date littéraire?

Qui 11- croirait pourtant? C'est dans le poème où le Cid est à ce point idéalisé qu'est encadrée la fameuse anecdote sur les coifres remplis de sable et de pierres, au lieu d'or pur, dépôt trompeur laissé aux banquiers juifs, en garantie de l'argent qu'ils avaient prêté au héros besogneux. La nécessité lui tenait lieu d'excuse; et puis, on affirme qu'une quinzaine d'années après, à l'article de la mort, se souvenant de cette peccadille, il eut l'intention de s'acquitter envers ses créan- ciers, quoique mécréants. C'est quelque chose qu'une inten- tion louable, même quand il n'est pas sûr qu'on l'ait mise à exécution. « Ijn poète moderne, dit Sainte-Beuve, fait dire à la fille du Cid, pour le justifier à ce sujet des deux coffres : (» L'or de votre parole était dedans. » Ce sont là de beaux anachronismes, des arrangements après coup'. » Sainte Beuve se trompe : ce trait tout espagnol, Casimir Delavigne=^ ne l'a pas inventé. Dans les Romances, le Cid rappelle ou fait rap- peler par d'autres que dans ces coffres était enfoui un trésoi sans prix, l'or de sa loyauté :

El oro de su verdad Que es tesoro no preciado 3.

\. Nouveaux lundis, t. Vil.

J. Voyez p. 136.

S Le Romancero du Cid, éd. Antony Rénal, t. I, p. 349; t. 11. p. fTT.

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