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Rodrigue ne soit plus lâ ? Il y était d’abord en compagnie de Chimène, et c’est en 1842 seulement qu’on a transporté leurs cendres à l’ayuntamiento. Mais le chapelain chargé de veiller sur elles ne veillait que sur un tombeau vide. Dans l'intervalle, en effet, la guerre avait passé par là, et des envahisseurs, des Français, nous regrettons de le dire, avaient mis au pillage le monastère de San Pedro de Cardena. Arrachés au sarcophage, les ossements illustres furent recueillis par un officier français, M. Lamartillet, et par le prince de Salm-Dyck, qui les légua au prince Antoine de Hohenzollern. C’est dans la fameuse collection du château de Sigmaringen que prit place le sarcophage auquel on avait rendu les dépouilles qu’il contenait. C’est là qu’en 1882 M. Guillaume Lanser, l’auteur de l’Histoire de la Restauration en Espagne, le retrouva. Après un minutieux examen, l’authenticité des reliques fut constatée, et le prince de Hohenzollern en fît à l’Espagne la restitution gracieuse •.

En face de cette unanimité des témoignages et des croyances, on ne s’explique guère que certains auteurs espagnols aient nié l’existence historique du Cid. Déjà l’historien Mariana se défiait des légendes trop facilement acceptées, et s’écriait : « Je ne répéterai ces contes de vieilles femmes (aniles fabulas) que sous bénéfice d’inventaire ». Les autres historiens espagnols — dit M. Philarète Chasles ^ — Zurita, Sandoval, l’historien local de San Juan de la Pena, Briz, ont les mêmes scrupules ». « Voilà un prodigieux chevalier, dit le topographe Briz. Il a été l’objet dotant de récits fabuleux et de narrations diverses qu’il faudrait être bien crédule pour les accepter toutes. » Et Masdeu, au début de notre siècle, allait jusqu’à écrire : « Je ne trouve ni un seul document, ni un seul souvenir qui me semblent fondés en raison et qui méritent de lui assigner une place dans la mémoire de notre nation. Nous ne savons absolument rien de probable sur la vie du Cid; nous n’avons aucune donnée sur son existence. On ne peut pas même affirmer qu’il ait vécu (ni aun si mismo ser si existenda). » Il est plus étonnant encore de voir que les Espa

1. Nous avons emprunté plusieurs des détails de ce récit à des articles de la Revue politique et littéraire. Toutefois, nous devons dire que dans la préfaçe des Romances du Cid, le chevalier Regnard affirme qu’un général français, M. Thiebault, pendant un long séjour à Burgos, « fit construire sur la plage que l’Arlançon laisse à sec pendant l’été et qu’il inonde pendant la saison pluvieuse, un sarcophage à l’antique, où les restes des deux époux furent déposés ». Après le départ des Français, en 181.^. œs restes auraient été rendus au tombeau primitif. Comment se prononcer entre deux versions aussi contradictoires ?

2. Voyages d'un critique à travers la vie et les livres : Italie et Espagne. Didier, 1868.