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cxxxiv ETUDE SUR MEDEE

plus désireuse de ne point provoquer le scepticisme du specta- teur, elle ne croit pas cependant i)Ouvoir se dispenser du mor- ceau à effet traditionnel, mais l'effet produit est médiocre. Il y a là, d'ailleurs, quelques vers pittoresques, si le ton du genre est une fois admis :

��Ces herbes ne sont pas d'une vertu commune : Moi-même, en les cueillant, je fis pAlir la lune, Quand, les cheveux flottants, le bras et le pied uu. J'en dépouillai jadis un climat inconnu.

��Eu retoiu' de cette petite leçon de magie, Nérine lui apprend que Creuse, sa rivale, enlevée par le vieil ^gée, a été délivrée par Jason et Pollux, et qu'.-Egée lui-même est prisonnier. Loin de s'en affliger, Médée en triomphe : ce n'est pas l'éloignement de Creuse qu'elle veut, c'est sa mort. Nous voici donc ramenés à ce vieux roi dont la présence avait refroidi la seconde partie du second acte, et va refroidir la fin du quatrième.

En vérité, que nous importent, et son amour sénile, et sa ten- tative avortée, et sa prison? En quoi nous émeuvent les stances mises par le poète dans la bouche de ce prisonnier royal, beau- coup trop préoccupé de l'atteinte que sa mésaventure porte à son auguste dignité? Et si dans ce cachot paraît soudain Médée, si à sa voix tombent les chaînes du captif, quel progrès ce coup de théâtre fait-il faire à l'action? Nous voyons bien, à la vérité, l'avantage particulier qu'y trouve Médée; nous comprenons qu'après son crime accompli, elle aura désormais un refuge assuré dans Athèues. Mais ce n'est pas le sort de Médée qui nous inquiète : la magicienne toute-puissaute qui vient de nous être pré- sentée saura, sans peine, nous eu sommes persuadés d'avance, même sans l'intervention d'.dEgée, se dérober à ses ennemis. Qu'avons-nous donc appris dans tout ce quatrième acte, aussi mai rempli que le second? C'est que la « robe empestée » a été portée il Creuse, que, sur le conseil du prudent Pollux, à qui sont suspects les dons des ennemis, on en a fait l'épreuve sur une femme con- damnée à mort, et que l'épreuve n'a point donné de résultat fatal, car c'est à Creuse et à Créon seuls que doivent être mortels ces poisons intelligents.

Acte V. — D'avance, le dénouement tragique est connu ; Corneille ne pouvait guère le modifier, mais il a tenu à en relever, par quelques traits nouveaux, l'horreur banale. Avouons-le, ce cin- quième acte est exécrable. Le récit de l'agonie de Creuse est fait par un domestique de Créon, Theudas, que Médée, d'un coup

de baguette, immobilise, et à qui un autre coup de baguette, le

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