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ÉTUDE SUR :\IEI)?:E es vu

cuIp oncore et plus odieux, s'il esl possible. C'est par là que la Médée de Corneille est inférieure à celle d'Euripide; mais le vrai coupable, ce n'est pas l'auteur do la Méclée française, c'est l'au- teur de la Mcdée latine, le déclamatoire et sentencieux Séuèque.

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L A « M É D É E » DE S É N È Q U F. .

Dans ses Suasorjx, Sénèque le père cite ce vers de la Médëp d'Ovide, longtemps célèbre et aujourd'tiui perdue :

Fcriir liui- illiio, ut jilena cleo.

Nous avons peine à concevoir que le génie facile et frivole d'Ovide ait osé s'attaquer à un sujet si terrible, et, plus encore, qu'il ait réussi dans son entreprise. Toutefois, ce vers suffît pour nous apprendre dans quel esprit il avait écrit sa Médée. Son béroine devait moins paraître une criminelle digne d'horreur (ju'une victime dij^ne de pitié, dominée et poussée au crime par une sorte de passion fatale, presque inconsciente et irresponsable. Tout autre est la conception de Sénèque le tragique. Non seule- ment il ne nous épargne aucune des liorreurs que, dans son Art portique, Horace avait proscrites de la scène :

Ne piiero'; conim [)o[mli) Mi'iloa tniciili't ;

mais il déuature l'esprit du drame antique, de ce drame qui devient si facilement répugnant, dès que tout n'y semble pas entraîné par une force irrésistible. Il y a deux manières également dramatiques, ce semble, de comprendre le caractère de Médée : poursuivie par la baine de Vénus, déjà souillée du sang de sou frère, elle peut être un instrument aveugle de cette fatalité anti- que, qui associe les malheurs aux malheurs, les crimes aux crimes, par un enchainement im'xorable. D'autre part, elle peut n'être, comme la Médée d'Euripide, qu'une àme orageuse, pas- sionnée jusqu'au délire, une femme olfeusée, trahie, chassée, dont les humiliations exaspèrent l'orgueil, dont la jalousie se tourne en fureur, dont la colère enfin, sans cesse grandissante, va jus-

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