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Car ne l'épouser pas, c'est le perdre en effet.

'PULCHÉRIE' — Pour te montrer la gêne où son nom seul me met,
Souffre que je t'explique en faveur de sa flamme
La tendresse du cœur après la grandeur d'âme.
Léon seul est ma joie, il est mon seul désir ;
Je n'en puis choisir d'autre, et n'ose le choisir :
Depuis trois ans unie à cette chère idée,
J'en ai l'âme à toute heure, en tous lieux, obsédée ;
Rien n'en détachera mon cœur que le trépas,
Encore après ma mort n'en répondrais-je pas ;
Et si dans le tombeau le ciel permet qu'on aime,
Dans le fond du tombeau je l'aimerai de même.
Trône qui m'éblouis, titres qui me flattez,
Pourrez-vous me valoir ce que vous me coûtez ?
Et de tout votre orgueil la pompe la plus haute
A-t-elle un bien égal à celui qu'elle m'ôte ?

'JUSTINE' — Et vous pouvez penser à prendre un autre époux ?

'PULCHÉRIE' — Ce n'est pas, tu le sais, à quoi je me résous.
Si ma gloire à Léon me défend de me rendre,
De tout autre que lui l'amour sait me défendre.
Qu'il est fort cet amour ! Sauve-m'en, si tu peux ;
Vois Léon, parle-lui, dérobe-moi ses vœux :
M'en faire un prompt larcin, c'est me rendre un service
Qui saura m'arracher des bords du précipice.
Je le crains, je me crains, s'il n'engage sa foi,
Et je suis trop à lui tant qu'il est tout à moi.
Sens-tu d'un tel effort ton amitié capable ?
Ce héros n'a-t-il rien qui te paroisse aimable ?
Au pouvoir de tes yeux j'unirai mon pouvoir :
Parle, que résous-tu de faire ?

'JUSTINE' — Mon devoir.
Je sors