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J'aurais déjà rempli l'espoir d'un si beau feu,
Si le choix du sénat m'en eût donné l'aveu :
J'aurais pris le parti dont il me faut défendre ;
Et si jusqu'à Léon je n'ose plus descendre,
Il m'était glorieux, le voyant souverain,
De remonter au trône en lui donnant la main.

'MARTIAN' — Votre cœur tiendra bon pour lui contre tous autres.

'PULCHÉRIE' — S'il a ces sentiments, ce ne sont pas les vôtres :
Non, seigneur, c'est Léon, c'est son juste courroux,
Ce sont ses déplaisirs qui s'expliquent par vous :
Vous prêtez votre bouche, et n'êtes pas capable
De donner à ma gloire un conseil qui l'accable.

'MARTIAN' — Mais ses rivaux ont-ils plus de mérite ?

'PULCHÉRIE' — Non ;
Mais ils ont plus d'emploi, plus de rang, plus de nom ;
Et si de ce grand choix ma flamme est la maîtresse,
Je commence à régner par un trait de faiblesse.

'MARTIAN' — Et tenez-vous fort sûr qu'une légèreté
Donnera plus d'éclat à votre dignité ?
Pardonnez-moi ce mot, s'il a trop de franchise,
Le peuple aura peut-être une âme moins soumise :
Il aime à censurer ceux qui lui font la loi,
Et vous reprochera jusqu'au manque de foi.

'PULCHÉRIE' — Je vous ai déjà dit ce qui m'en justifie :
Je suis impératrice, et j'étais Pulchérie.
J'ose vous dire plus : Léon a des jaloux,
Qui n'en font pas, seigneur, même estime que nous.
Pour surprenant que soit l'essai de son courage,
Les vertus d'empereur ne sont point de son âge :