Page:Corneille - Polyeucte, édition Masson, 1887.djvu/41

Cette page a été validée par deux contributeurs.
37
ACTE III, SCÈNE III.


Mais nous n’avons encore à craindre rien de triste.
Dans son aveuglement pensez-vous qu’il persiste ?
S’il nous sembloit tantôt courir à son malheur,
C’est d’un nouveau chrétien la première chaleur.

PAULINE.

Si vous l’aimez encor, quittez cette espérance
Que deux fois en un jour il change de croyance :
Outre que les chrétiens ont plus de dureté,
Vous attendez de lui trop de légèreté.
Ce n’est point une erreur avec le lait sucée,
Que sans l’examiner son âme ait embrassée
Polyeucte est chrétien parce qu’il l’a voulu,
Et vous portoit au temple un esprit résolu.
Vous devez présumer de lui comme du reste :
Le trépas n’est pour eux ni honteux ni funeste ;
Ils cherchent de la gloire à mépriser nos dieux ;
Aveugles pour la terre, ils aspirent aux cieux ;
Et, croyant que la mort leur en ouvre la porte,
Tourmentés, déchirés, assassinés, n’importe,
Les supplices leur sont ce qu’à nous les plaisirs,
Et les mènent au but où tendent leurs désirs ;
La mort la plus infâme, ils l’appellent martyre.

FÉLIX.

Eh bien donc ! Polyeucte aura ce qu’il désire :
N’en parlons plus.

PAULINE.

N’en parlons plus.Mon père…


Scène IV.

FÉLIX, ALBIN, PAULINE, STRATONICE.
FÉLIX.

N’en parlons plus. Mon père…Albin, en est-ce fait ?

ALBIN.

Oui, seigneur ; et Néarque a payé son forfait.

FÉLIX.

Et notre Polyeucte a vu trancher sa vie ?