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ACTE II, SCÈNE III.

Mais du moins votre esprit est hors de ses alarmes :
Vous voyez clairement que votre songe est vain ;
Sévère ne vient pas la vengeance à la main.

PAULINE.

Laisse-moi respirer du moins, si tu m’as plainte :
Au fort de ma douleur tu rappelles ma crainte ;
Souffre un peu de relâche à mes esprits troublés,
Et ne m’accable point par des maux redoublés.

STRATONICE.

Quoi ! vous craignez encor ?

PAULINE.

Quoi ! vous craignez encor ?Je tremble, Stratonice ;
Et, bien que je m’effraye avec peu de justice,
Cette injuste frayeur sans cesse reproduit
L’image des malheurs que j’ai vus cette nuit.

STRATONICE.

Sévère est généreux.

PAULINE.

Sévère est généreux.Malgré sa retenue,
Polyeucte sanglant frappe toujours ma vue.

STRATONICE.

Vous voyez ce rival faire des vœux pour lui.

PAULINE.

Je crois même au besoin qu’il serait son appui :
Mais, soit cette croyance ou fausse, ou véritable,
Son séjour en ce lieu m’est toujours redoutable ;
À quoi que sa vertu puisse le disposer,
Il est puissant, il m’aime, et vient pour m’épouser.


Scène IV.

POLYEUCTE, NÉARQUE, PAULINE, STRATONICE.
POLYEUCTE.

C’est trop verser de pleurs ; il est temps qu’ils tarissent :
Que votre douleur cesse, et vos craintes finissent ;
Malgré les faux avis par vos dieux envoyés,
Je suis vivant, madame, et vous me revoyez.

PAULINE.

Le jour est encor long, et, ce qui plus m’effraie,