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ACTE I, SCÈNE IV.


Ce monarque en voulut connoître le visage ;
On le mit dans sa tente, où, tout percé de coups,
Tout mort qu’il paroissoit, il fit mille jaloux.
Là, bientôt il montra quelque signe de vie :
Ce prince généreux en eut l’âme ravie,
Et sa joie, en dépit de son dernier malheur,
Du bras qui le causoit honora la valeur ;
Il en fit prendre soin, la cure en fut secrète ;
Et comme au bout d’un mois sa santé fut parfaite,
Il offrit dignités, alliance, trésors,
Et pour gagner Sévère il fit cent vains efforts.
Après avoir comblé ses refus de louange,
Il envoie à Décie en proposer l’échange ;
Et soudain l’empereur, transporté de plaisir,
Offre au Perse son frère et cent chefs à choisir.
Ainsi revint au camp le valeureux Sévère
De sa haute vertu recevoir le salaire ;
La faveur de Décie en fut le digne prix.
De nouveau l’on combat, et nous sommes surpris.
Ce malheur toutefois sert à croître sa gloire :
Lui seul rétablit l’ordre, et gagne la victoire,
Mais si belle, et si pleine, et par tant de beaux faits,
Qu’on nous offre tribut, et nous faisons la paix.
L’empereur, qui lui montre une amour infinie,
Après ce grand succès l’envoi en Arménie ;
Il vient en apporter la nouvelle en ces lieux,
Et par un sacrifice en rendre hommage aux dieux.

FÉLIX.

Ô ciel ! en quel état ma fortune est réduite !

ALBIN.

Voilà ce que j’ai su d’un homme de sa suite,
Et j’ai couru, seigneur, pour vous y disposer.

FÉLIX.

Ah ! sans doute, ma fille, il vient pour t’épouser :
L’ordre d’un sacrifice est pour lui peu de chose ;
C’est un prétexte faux dont l’amour est la cause.

PAULINE.

Cela pourroit bien être : il m’aimoit chèrement.