Page:Corneille - Marty-Laveaux 1910 tome 2.djvu/39

Cette page n’a pas encore été corrigée

Souvent leur entreprise excède leur pouvoir :
Et tel parle d’amour sans aucune pratique.

Dorimant.

On n’y sait guère alors que la vieille rubrique :
Faute de le connaître, on l’habille en fureur
Et loin d’en faire envie, on nous en fait horreur.
Lui seul de ses effets a droit de nous instruire ;
Notre plume à lui seul doit se laisser conduire :
Pour en bien discourir, il faut l’avoir bien fait ;
Un bon poète ne vient que d’un amant parfait.

Lysandre.

Il n’en faut point douter, l’amour a des tendresses
Que nous n’apprenons point qu’auprès de nos maîtresses.
Tant de sorte d’appas, de doux saisissements,
D’agréables langueurs et de ravissements,
Jusques où d’un bel oeil peut s’étendre l’empire,
Et mille autres secrets que l’on ne saurait dire
(Quoi que tous nos rimeurs en mettent par écrit),
Ne se surent jamais par un effort d’esprit ;
Et je n’ai jamais vu de cervelles bien faites
Qui traitassent l’amour à la façon des poètes :
C’est tout un autre jeu. Le style d’un sonnet
Est fort extravagant dedans un cabinet ;
Il y faut bien louer la beauté qu’on adore,
Sans mépriser Vénus, sans médire de Flore,
Sans que l’éclat des lis, des roses, d’un beau jour,
Ait rien à démêler avecque notre amour.
O pauvre comédie, objet de tant de veines,
Si tu n’es qu’un portrait des actions humaines,