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Mille sottes frayeurs lui brouillent la cervelle 40 ;
Ce n’est plus lors qu’une aide à faire un favori 41,
Un charme pour tout autre, et non pour un mari.


ÉRASTE.


Ces caprices honteux et ces chimères vaines
Ne sauroient ébranler des cervelles bien saines,
Et quiconque a su prendre une fille d’honneur
N’a point à redouter l’appas 42 d’un suborneur.


TIRCIS.


Peut-être dis-tu vrai ; mais ce choix difficile
Assez et trop souvent trompe le plus habile,
Et l’hymen de soi-même est un si lourd fardeau,
Qu’il faut l’appréhender à l’égal du tombeau.
S’attacher pour jamais aux côtés d’une femme 43 !
Perdre pour des enfants le repos de son âme !
Voir leur nombre importun remplir une maison  44 !
Ah ! qu’on aime ce joug avec peu de raison !


ÉRASTE.


Mais il y faut venir ; c’est en vain qu’on recule,
C’est en vain qu’on refuit, tôt ou tard on s’y brûle 45 ;
Pour libertin qu’on soit, on s’y trouve attrapé :
Toi-même, qui fais tant le cheval échappé 46,
Nous te verrons un jour songer au mariage 47.


TIRCIS.


Alors ne pense pas que j’épouse un visage :

40. Var. S’il advient qu’à ses yeux quelqu’un la galantise. (1633-57)

41. Var. Ce n’est plus lors qu’un aide à faire un favori. (1633-60)

42. Corneille ne distingue pas l’orthographe appât (appâts) et appas, dont nous faisons deux mots. Il écrit appas dans tous les sens, tant au singulier qu’au pluriel.

43. Var. S’attacher pour jamais au côté d d’une femme. (1633-54)

44. Var. Quand leur nombre importun accable la maison. (1633-57)

45. Var. C’est en vain que l’on fuit, tôt ou tard on s’y brûle. (1633-57)

46. Var. Toi-même qui fais tant du cheval échappé. (1660-63)

47. Var. Un jour nous te verrons songer au mariage. (1633-60)

d. Dans l’édition de 1657 : « aux côté d’une femme. » La faute est-elle à l’article ou au nom, et faut-il lire au côté ou aux côtés ?