Page:Corneille - Marty-Laveaux 1910 tome 1.djvu/187

Cette page n’a pas encore été corrigée

DE LA TRAGÉDIE. 69

conditions qu'il demande, elles se rencontrent si rare- ment, que Robortel ne les trouve que dans le seul Œdipe, et soutient que ce philosophe ne nous les pres- crit pas comme si nécessaires que leur manquement rende un ouvrage défectueux, mais seulement comme des idées de la perfection des tragédies. Notre siècle les a vues dans le Cid, mais je ne sais s'il les a vues en beau- coup d'autres ; et si nous voulons rejeter un coup d'oeil sur cette règle, nous avouerons que le succès a justifié beaucoup de pièces où elle n'est pas observée.

L'exclusion des personnes tout à fait vertueuses qui tombent dans le malheur bannit les martyrs de notre théâtre. Polyeucte y a réussi contre cette maxime, et Héraclius et Nicomède y ont plu, bien qu'ils n'impri- ment que de la pitié, et ne nous donnent rien à craindre, ni aucune passion à purger, puisque nous les y voyons opprimés et près de' périr, sans aucune faute de leur part dont nous puissions nous corriger sur leur exemple.

Le malheur d'un homme fort méchant n'excite ni pi- tié, ni crainte, parce qu'il n'est pas digne de la première, et que les spectateurs ne sont pas méchants comme lui pour concevoir l'autre à la vue de sa punition ; mais il seroit à propos de mettre quelque distinction entre les crimes. Il en est dont les honnêtes gens sont capables par une violence de passion, dont le mauvais succès peut faire effet dans l'âme de l'auditeur. Un honnête homme ne va pas voler au coin d'un bois, ni faire un assassinat de sang-froid ; mais s'il est bien amoureux, il peut faire une supercherie à son rival, il peut s'em- porter de colère et tuer dans un premier mouvement, et l'ambition le peut engager dans un crime ou dans

I. Plus haut (p. 28), toutes les éditions de 1660 à 1683, s'ac- cordent à donner, dans le même sens : prêt de.

�� �