Page:Corneille - Le Cid, Searles, 1912.djvu/94

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Scène III

Don Fernand, Don Diègue, Don Arias, Don Rodrigue, Don Sanche
Don Fernand

Généreux héritier d’une illustre famille,
Qui fut toujours la gloire et l’appui de Castille,
Race de tant d’aïeux en valeur signalés,
Que l’essai de la tienne a sitôt égalés,
Pour te récompenser ma force est trop petite ;
Et j’ai moins de pouvoir que tu n’as de mérite.
Le pays délivré d’un si rude ennemi,
Mon sceptre dans ma main par la tienne affermi,
Et les Mores défaits, avant qu’en ces alarmes
J’eusse pu donner ordre à repousser leurs armes,
Ne sont point des exploits qui laissent à ton roi
Le moyen ni l’espoir de s’acquitter vers toi.
Mais deux rois tes captifs feront ta récompense.
Ils t’ont nommé tous deux leur Cid en ma présence :
Puisque Cid en leur langue est autant que seigneur,
Je ne t’envierai pas ce beau titre d’honneur.
Sois désormais le Cid : qu’à ce grand nom tout cède ;
Qu’il comble d’épouvante et Grenade et Tolède,
Et qu’il marque à tous ceux qui vivent sous mes lois
Et ce que tu me vaux, et ce que je te dois.

Don Rodrigue

Que Votre Majesté, Sire, épargne ma honte.
D’un si faible service elle fait trop de compte,
Et me force à rougir devant un si grand roi
De mériter si peu l’honneur que j’en reçoi.
Je sais trop que je dois au bien de votre empire,