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Que ta haute vertu répond à mon estime ;
Et que, voulant pour gendre un cavalier parfait,
Je ne me trompais point au choix que j’avais fait ;
Mais je sens que pour toi ma pitié s’intéresse ;
J’admire ton courage, et je plains ta jeunesse.
Ne cherche point à faire un coup d’essai fatal ;
Dispense ma valeur d’un combat inégal ;
Trop peu d’honneur pour moi suivrait cette victoire :
À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire.
On te croirait toujours abattu sans effort ;
Et j’aurais seulement le regret de ta mort.

Don Rodrigue

D’une indigne pitié ton audace est suivie :
Qui m’ose ôter l’honneur craint de m’ôter la vie !

Le Comte

Retire-toi d’ici.

Don Rodrigue

Retire-toi d’ici. Marchons sans discourir.

Le Comte

Es-tu si las de vivre ?

Don Rodrigue

Es-tu si las de vivre ? As-tu peur de mourir ?

Le Comte

Viens, tu fais ton devoir, et le fils dégénère
Qui survit un moment à l’honneur de son père.