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Mais quand on peut sans honte être sans fermeté,
L’affecter au dehors, c’est une lâcheté ;
L’usage d’un tel art, nous le laissons aux hommes,
Et ne voulons passer que pour ce que nous sommes.
Nous ne demandons point qu’un courage si fort
S’abaisse à notre exemple à se plaindre du sort.
Recevez sans frémir ces mortelles alarmes ;
Voyez couler nos pleurs sans y mêler vos larmes ;
Enfin, pour toute grâce, en de tels déplaisirs,
Gardez votre constance, et souffrez nos soupirs.

Le vieil HORACE.

Loin de blâmer les pleurs que je vous vois répandre,
Je crois faire beaucoup de m’en pouvoir défendre,
Et céderais peut-être à de si rudes coups,
Si je prenais ici même intérêt que vous :
Non qu’Albe par son choix m’ait fait haïr vos frères,
Tous trois me sont encor des personnes bien chères ;
Mais enfin l’amitié n’est pas du même rang,
Et n’a point les effets de l’amour ni du sang ;
Je ne sens point pour eux la douleur qui tourmente
Sabine comme sœur, Camille comme amante :
Je puis les regarder comme nos ennemis,
Et donne sans regret mes souhaits à mes fils.
Ils sont, grâces aux dieux, dignes de leur patrie ;
Aucun étonnement n’a leur gloire flétrie ;