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On voit d’un œil divers des nœuds si différents,
Et pour suivre un mari l’on quitte ses parents ;
Mais si près d’un hymen, l’amant que donne un père
Nous est moins qu’un époux, et non pas moins qu’un frère ;
Nos sentiments entre eux demeurent suspendus,
Notre choix impossible, et nos vœux confondus.
Ainsi, ma sœur, du moins vous avez dans vos plaintes
Où porter vos souhaits et terminer vos craintes ;
Mais si le ciel s’obstine à nous persécuter,
Pour moi, j’ai tout à craindre, et rien à souhaiter.


SABINE.

Quand il faut que l’un meure et par les mains de l’autre,
C’est un raisonnement bien mauvais que le vôtre.
Quoique ce soient, ma sœur, des nœuds bien différents,
C’est sans les oublier qu’on quitte ses parents :
L’hymen n’efface point ces profonds caractères ;
Pour aimer un mari, l’on ne hait pas ses frères :
La nature en tout temps garde ses premiers droits ;
Aux dépens de leur vie on ne fait point de choix :
Aussi bien qu’un époux ils sont d’autres nous-mêmes ;
Et tous maux sont pareils alors qu’ils sont extrêmes.
Mais l’amant qui vous charme et pour qui vous brûlez
Ne vous est, après tout, que ce que vous voulez ;
Une mauvaise humeur, un peu de jalousie,
En fait assez souvent passer la fantaisie ;