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Qu’en votre cœur mes yeux s’étaient fait un empire ?
Non que j’y pense encor ; j’apprends de vous, Seigneur,
Qu’on change avec le temps, d’âme, d’yeux et de cœur.

agésilas

Rappelez ces beaux jours pour me parler sans feindre ;
Mais si vous le pouvez, Madame, épargnez-moi.

aglatide

Ce serait sans raison que j’oserais m’en plaindre :
L’amour doit être libre, et vous êtes mon roi.
Mais puisque jusqu’à vous vous m’avez fait prétendre,
N’obligez point, Seigneur, cet espoir à descendre,
Et ne me faites point de lois
Qui profanent l’honneur de votre premier choix.
J’y trouvais pour moi tant de gloire,
J’en chéris à tel point la flatteuse mémoire,
Que je regarderais comme un indigne époux
Quiconque m’offrirait un moindre rang que vous.
Si cet orgueil a quelque crime,
Il n’en faut accuser que votre trop d’estime :
Ce sont des sentiments que je ne puis trahir.
Après cela, parlez ; c’est à moi d’obéir.

agésilas

Je parlerai, Madame, avec même franchise.
J’aime à voir cet orgueil que mon choix autorise
À dédaigner les vœux de tout autre qu’un roi :
J’aime cette hauteur en un jeune courage ;
Et vous n’aurez point lieu de vous plaindre de moi,
Si votre heureux destin dépend de mon suffrage.


Scène IX

Agésilas, Lysander, Cotys, Spitridate, Mandane, Elpinice, Aglatide
cotys

Seigneur, à vos bontés nous venons consacrer,
Et Mandane et moi, notre vie.

spitridate

De pareilles faveurs, Seigneur, nous font rentrer
Pour vous faire voir même envie.

agésilas

Je vous ai fait justice à tous,
Et je crois que ce jour vous doit être assez doux,
Qui de tous vos souhaits à votre gré décide ;
Mais pour le rendre encor plus doux et plus charmant,
Sachez que Sparte voit sa reine en Aglatide,
À qui le ciel en moi rend son premier amant.

aglatide

C’est me faire, Seigneur, des surprises nouvelles.

agésilas

Rendons nos cœurs, Madame, à des flammes si belles ;
Et tous ensemble allons préparer ce beau jour
Qui par un triple hymen couronnera l’amour !