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Il n’est point de cœur si fidèle.
De mille appas son visage semé
La rend une merveille :
Mais quoiqu’elle soit sans pareille,
Phinée est encore plus aimé.
Bien que le juste ciel fasse voir que sans crime
On la préfère aux nymphes de la mer,
Ce n’est que de savoir aimer
Qu’elle-même veut qu’on l’estime ;
Chacun, d’amour pour elle consumé,
D’un cœur lui fait un temple :
Mais quoiqu’elle soit sans exemple,
Phinée est encor plus aimé.
Enfin, si ses beaux yeux passent pour un miracle
C’est un miracle aussi que son amour,
Pour qui Vénus en ce beau jour
A prononcé ce digne oracle :
Le ciel lui-même, en la voyant, charmé,
La juge incomparable ;
Mais, quoiqu’il l’ait faite adorable,
Phinée est encor plus aimé.

(Cet air chanté, le page de Phinée et cette nymphe font un dialogue en musique, dont chaque couplet a pour refrain l’oracle que Vénus a prononcé au premier acte en faveur de ces deux amants, chanté par les deux voix unies, et répété par le chœur entier de la musique.)

LE PAGE
Heureux amant !
LIRIOPE
XXXXXXXXXXXXXHeureuse amante !
LE PAGE
Ils n’ont qu’une âme.
LIRIOPE
XXXXXXXXXXXXXXXXIls n’ont tous deux qu’un cœur.
LE PAGE
Joignons nos voix pour chanter leur bonheur.
LIRIOPE
Joignons nos voix pour bénir leur attente.
LE PAGE ET LIRIOPE
Andromède ce soir aura l’illustre époux
Qui seul est digne d’elle, et dont seule elle est digne.
Préparons son hymen, où, pour faveur insigne,
Les dieux ont résolu de se joindre avec nous.
CHŒUR
Préparons son hymen, où, pour faveur insigne,
Les dieux ont résolu de se joindre avec nous.
LE PAGE
Le ciel le veut.
LIRIOPE
XXXXXXXXXXXXVénus l’ordonne.
LE PAGE
L’amour les joint.
LIRIOPE
XXXXXXXXXXXXXL’hymen va les unir.
LE PAGE
Douce union que chacun doit bénir !
LIRIOPE
Heureuse amour qu’un tel succès couronne !
LE PAGE ET LIRIOPE
Andromède ce soir aura l’illustre époux
Qui seul est digne d’elle, et dont seule elle est digne.
Préparons son hymen, où, pour faveur insigne,
Les dieux ont résolu de se joindre avec nous.
CHŒUR
Préparons son hymen, où, pour faveur insigne,
Les dieux ont résolu de se joindre avec nous.
ANDROMÈDE
Il n’en faut point mentir, leur accord m’a surprise.
PHINÉE
Madame, c’est ainsi que tout me favorise,
Et que tous vos sujets soupirent en ces lieux
Après l’heureux effet de cet arrêt des dieux,
Que leurs souhaits unis[1]...

Scène III

Phinée, Andromède, Timante, un page, chœur de Nymphes, suite de Phinée.
TIMANTE
XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXAh, seigneur ! ah, madame !
PHINÉE
Que nous veux-tu, Timante, et qui trouble ton âme ?
TIMANTE
Le pire des malheurs.
PHINÉE
XXXXXXXXXXXXXXXXLe roi serait-il mort ?
TIMANTE
Non, seigneur ; mais enfin le triste choix du sort
Vient de tomber... Hélas ! pourrai-je vous le dire ?
ANDROMÈDE
Est-ce sur quelque objet pour qui ton cœur soupire ?
TIMANTE

Soupirer à vos yeux du pire de ses coups,

  1. Voici une de ces choses étranges que j’ai promis de remarquer ; ce sont ces scènes de galanterie bourgeoise, aussi éloignées de la dignité de la tragédie que des grâces de l’opéra ; c’est cette Andromède qui demande à ses filles d’honneur laquelle est amoureuse de Persée : c’est ce page qui chante une chanson insipide ; c’est Andromède qui rend sérénade pour sérénade ; c’est : Approchez, Liriope, et rendez-lui son change, etc. Il semble que tout cela ait été fait pour la noce d’un bourgeois de la rue Thibautodé. Mais que l’on considère que les Français n’avaient aucun modèle dans ce genre ; nous n’avons rien de supportable avant Quinault dans le lyrique. (V.)