Je pars.
Vous avez sûreté d’aller jusque chez vous ?
Vous êtes à couvert des périls dont menace
Les gens de votre sorte une telle disgrâce,
Et s’il faut dire tout, sur de si longs chemins
Il n’est point de poisons, il n’est point d’assassins ?
Le Roi n’a pas encore oublié mes services,
Pour commencer par moi de telles injustices :
Il est trop généreux pour perdre son appui.
S’il l’est, tous vos jaloux le sont-ils comme lui ?
Est-il aucun flatteur, Seigneur, qui lui refuse
De lui prêter un crime et lui faire une excuse ?
En est-il que l’espoir d’en faire mieux sa cour
N’expose sans scrupule à ces courroux d’un jour,
Ces courroux qu’on affecte alors qu’on désavoue
De lâches coups d’État dont en l’âme on se loue,
Et qu’une absence élude, attendant le moment
Qui laisse évanouir ce faux ressentiment ?
Font souvent trop de bruit pour abuser personne.
Si ma mort plaît au roi, s’il la veut tôt ou tard,
J’aime mieux qu’elle soit un crime qu’un hasard ;
Qu’aucun ne l’attribue à cette loi commune
Qu’impose la nature et règle la fortune ;
Que son perfide auteur, bien qu’il cache sa main,
Devienne abominable à tout le genre humain ;
Et qu’il en naisse enfin des haines immortelles
Qui de tous ses sujets lui fassent des rebelles.