Vous en avez eu l’ordre, et j’en suis plus haï
C’est pour un bon sujet avoir bien obéi.
Je le vois bien, Seigneur : qu’on m’aime, qu’on vous aime,
Qu’on ne vous aime pas, que je n’aime pas même,
Tout m’est compté pour crime ; et je dois seul au Roi
Répondre de Palmis, d’Eurydice et de moi :
Comme si je pouvois sur une âme enflammée
Ce qu’on me voit pouvoir sur tout un corps d’armée,
Et qu’un cœur ne fût pas plus pénible à tourner
Que les Romains à vaincre, ou qu’un sceptre à donner.
Sans faire un nouveau crime, oserai-je vous dire
Que l’empire des cœurs n’est pas de votre empire,
Et que l’amour, jaloux de son autorité,
Ne reconnaît ni roi ni souveraineté ?
Il hait tous les emplois où la force l’appelle :
Dès qu’on le violente, on en fait un rebelle ;
Et je suis criminel de ne pas triompher[1],
Quand vous-même, Seigneur, ne pouvez l’étouffer !
Changez-en par votre ordre à tel point le caprice,
Qu’Eurydice vous aime, et Palmis vous haïsse ;
Ou rendez votre cœur à vos lois si soumis,
Qu’il dédaigne Eurydice, et retourne[2] à Palmis.
Tout ce que vous pourrez ou sur vous ou sur elles
Rendra mes actions d’autant plus criminelles ;
Mais sur elles, sur vous si vous ne pouvez rien,
Des crimes de l’amour ne faites plus le mien.
Mais je n’excuse point ceux qu’il s’obstine à taire,
Qui cachés avec soin se commettent longtemps,