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De nouveaux escadrons leur vont enfler le cœur,
Et vous avez besoin encor de son vainqueur.
1225Voilà ce que pour vous craint une destinée
Qui se doit bientôt voir à la vôtre enchaînée,
Et deviendroit infâme à se vouloir unir
Qu’à des rois dont on puisse aimer le souvenir.

PACORUS.

Tout ce que vous craignez est en votre puissance,
1230Madame ; il ne vous faut qu’un peu d’obéissance,
Qu’exécuter demain ce qu’un père a promis :
L’amant, le confident, n’auront plus d’ennemis.
C’est de quoi tout mon cœur de nouveau vous conjure[1],
Par les tendres respects d’une flamme si pure,
1235Ces assidus respects, qui sans cesse bravés,
Ne peuvent obtenir ce que vous me devez,
Par tout ce qu’a de rude un orgueil inflexible,
Par tous les maux que souffre…

EURYDICE.

Par tous les maux que souffre…Et moi, suis-je insensible ?
Livre-t-on à mon cœur de moins rudes combats ?
1240Seigneur, je suis aimée, et vous ne l’êtes pas.
Mon devoir vous prépare un assuré remède,
Quand il n’en peut souffrir au mal qui me possède ;
Et pour finir le vôtre, il ne veut qu’un moment,
Quand il faut que le mien dure éternellement.

PACORUS.

1245Ce moment quelquefois est difficile à prendre,
Madame ; et si le Roi se lasse de l’attendre,
Pour venger le mépris de son autorité,
Songez à ce que peut un monarque irrité.

  1. Thomas Corneille (1692) et Voltaire (1764) ont modifié ce vers par une inversion :

    C’est de quoi de nouveau tout mon cœur vous conjure.