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995N’étouffera jamais l’éclat de ces beaux feux
Qu’alluma son mérite, et l’offre de ses vœux.

ORODE.

Faites mieux, vengez-vous. Il est des rois, Madame,
Plus dignes qu’un ingrat d’une si belle flamme.

PALMIS.

De ce que j’aime encor ce seroit m’éloigner,
1000Et me faire un exil sous ombre de régner.
Je veux toujours le voir, cet ingrat qui me tue,
Non pour le triste bien de jouir de sa vue :
Cette fausse douceur est au-dessous de moi,
Et ne vaudra jamais que je néglige un roi ;
1005Mais il est des plaisirs qu’une amante trahie
Goûte au milieu des maux qui lui coûtent la vie :
Je verrai l’infidèle inquiet, alarmé
D’un rival inconnu, mais ardemment aimé,
Rencontrer à mes yeux sa peine dans son crime,
1010Par les mains de l’hymen devenir ma victime,
Et ne me regarder, dans ce chagrin profond,
Que le remords en l’âme, et la rougeur au front.
De mes bontés pour lui l’impitoyable image,
Qu’imprimera l’amour sur mon pâle visage,
1015Insultera son cœur ; et dans nos entretiens
Mes pleurs et mes soupirs rappelleront les siens,
Mais qui ne serviront qu’à lui faire connoître
Qu’il pouvoit être heureux et ne sauroit plus l’être ;
Qu’à lui faire trop tard haïr son peu de foi,
1020Et pour tout dire ensemble, avoir regret à moi.
Voilà tout le bonheur où mon amour aspire ;
Voilà contre un ingrat tout ce que je conspire ;
Voilà tous les plaisirs que j’espère à le voir,
Et tous les sentiments que vous vouliez savoir.

ORODE.

1025C’est bien traiter les rois en personnes communes