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ORODE.

Mais, Suréna, le puis-je après la foi donnée,
Au milieu des apprêts d’un si grand hyménée ?
Et rendrai-je aux Romains qui voudront me braver
Un ami que la paix vient de leur enlever ?
925Si le prince renonce au bonheur qu’il espère,
Que dira la princesse, et que fera son père ?

SURÉNA.

Pour son père, Seigneur, laissez-m’en le souci.
J’en réponds, et pourrois répondre d’elle aussi.
Malgré la triste paix que vous avez jurée,
930Avec le prince même elle s’est déclarée ;
Et si je puis vous dire avec quels sentiments
Elle attend à demain l’effet de vos serments,
Elle aime ailleurs.

ORODE.

Elle aime ailleurs.Et qui ?

SURÉNA.

Elle aime ailleurs.Et qui ?C’est ce qu’elle aime à taire :
Du reste son amour n’en fait aucun mystère,
935Et cherche à reculer les effets d’un traité
Qui fait tant murmurer votre peuple irrité.

ORODE.

Est-ce au peuple, est-ce à vous, Suréna, de me dire
Pour lui donner des rois quel sang je dois élire ?
Et pour voir dans l’État tous mes ordres suivis,
940Est-ce de mes sujets que je dois prendre avis ?
Si le prince à Palmis veut rendre sa tendresse,
Je consens qu’il dédaigne à son tour la princesse ;
Et nous verrons après quel remède apporter
À la division qui peut en résulter.
945Pour vous, qui vous sentez indigne de ma fille,
Et craignez par respect d’entrer en ma famille,
Choisissez un parti qui soit digne de vous,