Sur une si légère et douteuse espérance ;
Et qu’aura cet amour d’heureux, de singulier,
Qu’à son trop de vertu je devrai tout entier ?
Qu’aura-t-il de charmant, cet amour, s’il ne donne
Que ce qu’un triste hymen ne refuse à personne,
Esclave dédaigneux d’une odieuse loi
Qui n’est pour toute chaîne attaché qu’à sa foi ?
Pour faire aimer ses lois, l’hymen ne doit en faire
Qu’afin d’autoriser la pudeur à se taire.
Il faut, pour rendre heureux, qu’il donne sans gêner,
Et prête un doux prétexte à qui veut tout donner.
Que sera-ce, grands Dieux ! si toute ma tendresse
Rencontre un souvenir plus cher à ma princesse,
Si le cœur pris ailleurs ne s’en arrache pas,
Si pour un autre objet il soupire en mes bras ?
Il faut, il faut enfin m’éclaircir avec elle.
Seigneur, je l’aperçois ; l’occasion est belle.
Mais si vous en tirez quelque éclaircissement
Qui donne à votre crainte un juste fondement,
Que ferez-vous ?
Je crois m’aimer[1] assez pour ne la pas contraindre ;
Mais tel chagrin aussi pourrait me survenir,
Que je l’épouserois afin de la punir.
Un amant dédaigné souvent croit beaucoup faire
Quand il rompt le bonheur de ce qu’on lui préfère.
Mais elle approche. Allez, laissez-moi seul agir :
J’aurois peur devant vous d’avoir trop à rougir.
- ↑ Voltaire (1764) a substitué l’aimer à m’aimer, qui est la leçon de toutes les éditions antérieures. — Dans le second hémistiche, l’édition de 1682, par une erreur évidente, a le, pour la.