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Mais je deviens esclave ; et tels sont mes malheurs,
220Qu’en perdant ce que j’aime, il faut que j’aime ailleurs.

PALMIS.

Madame, trouvez-vous ma fortune meilleure ?
Vous perdez votre amant, mais son cœur vous demeure ;
Et j’éprouve en mon sort une telle rigueur,
Que la perte du mien m’enlève tout son cœur.
225Ma conquête m’échappe où les vôtres grossissent ;
Vous faites des captifs des miens qui s’affranchissent ;
Votre empire s’augmente où se détruit le mien,
Et de toute ma gloire il ne me reste rien.

EURYDICE.

Reprenez vos captifs, rassurez vos conquêtes,
230Rétablissez vos lois sur les plus grandes têtes :
J’en serai peu jalouse, et préfère à cent rois
La douceur de ma flamme et l’éclat de mon choix.
La main de Suréna vaut mieux qu’un diadème.
Mais dites-moi, Madame, est-il bien vrai qu’il m’aime ?
235Dites, et s’il est vrai, pourquoi fuit-il mes yeux ?

PALMIS.

Madame, le voici qui vous le dira mieux.

EURYDICE.

Juste ciel ! à le voir déjà mon cœur soupire !
Amour, sur ma vertu prends un peu moins d’empire !



Scène III.

EURYDICE, SURÉNA.
EURYDICE.

Je vous ai fait prier de ne me plus revoir,
240Seigneur : votre présence étonne mon devoir ;
Et ce qui de mon cœur fit toutes les délices,
Ne sauroit plus m’offrir que de nouveaux supplices.