Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 7.djvu/287

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

1750S’il n’eût craint d’inspirer de pareils sentiments :
Vous vous devez des fils, et des Césars à Rome,
Qui fassent à jamais revivre un si grand homme.

TITE.

Pour revivre en des fils nous n’en mourons pas moins,
Et vous mettez ma gloire au-dessus de ces soins.
1755Du levant au couchant, du More[1] jusqu’au Scythe,
Les peuples vanteront et Bérénice et Tite ;
Et l’histoire à l’envi forcera l’avenir
D’en garder à jamais l’illustre souvenir[2].
Prince, après mon trépas soyez sûr de l’empire ;
1760Prenez-y part en frère, attendant que j’expire.
Allons voir Domitie, et la fléchir pour vous.
Le premier rang dans Rome est pour elle assez doux ;
Et je vais lui jurer qu’à moins que je périsse,
Elle seule y tiendra celui d’impératrice.
Est-ce là vous l’ôter ?

DOMITIAN.

1765Est-ce là vous l’ôter ?Ah ! c’en est trop, Seigneur.

TITE.

Daignez contribuer à faire son bonheur,
Madame, et nous aider à mettre de cette âme
Toute l’ambition d’accord avec sa flamme.

BÉRÉNICE.

Allons, Seigneur : ma gloire en croîtra de moitié,
1770Si je puis remporter chez moi son amitié.

  1. Le mot est écrit ainsi dans toutes les anciennes éditions, y compris celles de Thomas Corneille (1692) et de Voltaire (1764). Voyez tome III, p. 136, note 2.
  2. C’est Bérénice qui exprime cette idée chez Racine, dans les derniers vers de la tragédie. Elle s’adresse à Titus et à Antiochus.
    Adieu : servons tous trois d’exemple à l’univers
    De l’amour la plus tendre et la plus malheureuse
    Dont il puisse garder l’histoire douloureuse.